Fonck. Couvent, caserne, école : les vieux murs d’une nouvelle faculté d’architecture

entree caserneAyant hérité des bâtiments occupés par les instituts d’architecture, la nouvelle faculté de l’ULg se partage entre deux sites urbains. L’un, plus bucolique, se trouve au Jardin botanique tandis que l’autre, aux connotations plus guerrières, est situé en Outre-Meuse dans l’ancienne caserne Fonck, sur l’emplacement du couvent des Écoliers. Commémoration de la Grande Guerre oblige, c’est de ce dernier qu’il sera ici question.

 PlaqueCavalierFonck

La caserne d’un certain cavalier Fonck

Le 2 août 1914, le cavalier Antoine Fonck quitte la caserne des Écoliers où est cantonné le régiment du 2e Lancier. Avec son escadron, il gagne Milmort, sur les hauteurs de Liège, puis est dirigé vers Battice, le 4 au matin. Engagé dans une patrouille de reconnaissance, aux environs du village de Thimister, il entre en contact avec les premiers cavaliers ennemis et ouvre le feu avant d’être lui-même abattu. L’histoire du brave cavalier, première victime militaire belge à l’aube d’un long conflit et devenu héros de son régiment, allait devenir mythique et exemplaire ; c’est pour honorer son souvenir que la caserne des Écoliers, ancien couvent, devint la caserne Cavalier Fonck.

simenonAprès la guerre, le 2e Lancier part en occupation en Rhénanie. Il sera notamment remplacé par une compagnie de transport où le milicien Georges Simenon, par ailleurs enfant du quartier, est muté en 1922. «C’est de là qu’enfant je voyais sortir des cavaliers fringants, bien astiqués, précédés de trompettes.» Dans Point-virgule, récit autobiographique rédigé en 1977, l’écrivain se souvient surtout de son lourd travail de palefrenier, sans partage avec le prestige dévolu aux lanciers.

«Sur la même cour, dans le bâtiment voisin, étaient logés les fameux lanciers qui me faisaient rêver dans ma jeunesse. Eux, ils n’avaient qu’un cheval au lieu de deux à conduire et ils n’avaient pas à tirer un lourd charroi. Dès le premier matin, je m’aperçus qu’on se levait à cinq heures, dans le froid de l’hiver, qu’on allait attacher les chevaux deux par deux et qu’on les emmenait boire à un abreuvoir qui se trouvait dehors et dont l’eau était parfois gelée. Je demandais à un de mes voisins pourquoi nous étions obligés de porter des sabots. Il me répondit que c’était au cas où un cheval nous marcherait sur les pieds. Certains des animaux étaient dociles, d’autres ruaient et cherchaient toujours à s’échapper. Lorsque l’un d’eux y parvenait, il fallait entendre gueuler l’adjudant et on était sûr d’être inscrit pour deux jours de salle de police.(…)Ces bêtes qu’il fallait nettoyer dans tous les coins, bouchonner avec une poignée de paille après chaque sortie ou chaque séance de manège, me paraissaient immenses et éminemment dangereuses. (…) Par contre j’adorais dormir dans la paille de l’écurie. C’était une immense écurie qui abritait environ cent cinquante chevaux. Certains portaient, au fronton de leur stalle, en rouge sur blanc, la mention : dangereux. Mais il fallait soigner ceux-là aussi bien que les autres. Dans des chroniques qu’il tient pour la Gazette de Liège à l’époque de son incorporation, il écrit sans complaisance : D’aucuns croient que l’armée est une école de la propreté, parce qu’ils sont accoutumés à voir  la tunique des soldats ornée d’une douzaine de boutons brillants comme autant de soleil. Je ne voudrais pas les détromper. Il est vrai qu’à la caserne le temps se passe surtout à nettoyer (…). Il est cependant une chose que l’on soigne très peu, parmi tant d’autres, et par malheur, cette chose, c’est la principale, je veux dire c’est le corps.»

Fonck chevaux attachés1900Si ces quelques lignes nous éclairent aujourd’hui sur le quotidien des miliciens et sur l’ambiance des lieux traversés par le cavalier Fonck, on ne s’étonnera pas que ces derniers propos agacèrent la hiérarchie et l’écrivain fut sommé de rentrer dans le rang…

Abandonné par l’armée en 1998, le site allait, en quelque sorte, renouer avec ses origines savantes lorsque Saint-Luc y installe, en 2000,  son institut supérieur des beaux-arts et son institut d’architecture. La partie des bâtiments dévolus à la faculté ne deviendra patrimoine universitaire, sous le matricule « E1. Architecture. Site Outre-Meuse », que par l’intégration de l’institut d’architecture décrétée en 2010.

L’ancienne caserne, devenue un agréable campus au centre ville, voit maintenant se croiser des troupes de futurs architectes et d’étudiants en art ; les traces de l’occupation militaire se font discrètes. Sur la façade à rue, une plaque honorant le malheureux exploit d’Antoine Fonck, à l’entrée de la cour, un monument aux morts, plus loin, le nom de la bataille de Merkem — « le Verdun belge » — baptisant un bâtiment de 1935, ou, plus pittoresques, les très nombreux anneaux à chevaux scellés dans les murs et les auges taillées dans la pierre, rappellent encore le souvenir du 2e régiment des Lanciers.

FonckcariatidesRue Louvrex detailsPrécisons bien que les vestiges architecturaux et les sculptures « Néo-Renaissance », qui jalonnent actuellement le site, ne proviennent pas de l’ancien couvent, mais d’une maison détruite de la rue Louvrex. De très belle facture, cette façade avait été sélectionnée et éditée par Castermans vers 1900. Rachetés in illo tempore par Saint-Luc alors cantonné dans ce quartier, les sculptures devaient être réintégrées dans une nouvelle construction dont le projet, rendu obsolète par le déménagement en Outre-Meuse, a été abandonné.

 

 

 

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