Esthétique de la métamorphose
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Du 12 octobre 2010 au 13 mars 2011, l'exposition « MOEBIUS-TRANSE-FORME » présente les travaux multiformes de Jean Giraud (alias Moebius, alias Gir) à la Fondation Cartier pour l'art contemporain. L'institution parisienne n'en est pas à sa première collaboration avec le dessinateur : une première occasion lui avait été donnée en 1999 d'y exposer son travail. L'exposition « Un monde réel » interrogeait alors les rapports réalité/fiction, sur un mode qui mettait en valeur les audaces de Moebius en la matière.
 
 
Mœbius, Inside Mœbius 6, deuxième partie, 2007 © Mœbius Production Exposition MŒBIUS-TRANSE-FORME, Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris, du 12 octobre 2010 au 13 mars 2011 
 

Le pseudonyme repris dans le titre de cette nouvelle exposition met l'accent sur la schizophrénie créatrice de l'artiste (qui intervertit volontiers ses signatures en fonction du genre requis par ses albums) : « En passant de Giraud à Moebius, j'ai tordu le ruban, changé de dimension. J'étais le même et j'étais un autre. Moebius est la résultante de ma dualité » (Jean Giraud, Moebius/Giraud : Histoire de mon double, Éditions 1, Paris, 1999). À chacun son registre : Les aventures du Lieutenant Blueberry, dessinées par Giraud et scénarisées par Jean-Michel Charlier, n'ont pas préparé le lecteur à l'exubérance fantastique des œuvres de Moebius (cf. Le Monde d'Edena, Le Monde du Garage hermétique ou Arzak). Plus qu'un pseudonyme, « Moebius » fonctionne comme un « hétéronyme » – dans les années 60, les amateurs d'imagerie underground assistent à la naissance d'un nouvel auteur, dont le graphisme particulier semble échapper à la maîtrise de Jean Giraud (comme Alvaro de Campos échappait à Fernando Pessoa). Voilà bien une entreprise stylistique originale, où se dissocient deux pattes. D'un côté, le style du réalisme détaillé appliqué au genre du western, de l'autre le style onirique du dessin de science-fiction. 

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Vue de l'exposition MŒBIUS-TRANSE-FORME, Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris.
Photo : Olivier Ouadah

Organisée autour du thème de la transformation, l'exposition rassemble une série de documents fournis par l'artiste (certains font partie depuis 1999 de la collection de la Fondation Cartier), des planches de bandes dessinées, bien entendu, mais aussi des carnets, croquis préparatoires, peintures et dessins inédits – le tout dans une scénographie bien pensée. Les tables vitrines de la première salle renferment en leurs caissons les documents retraçant la vie dessinée des principaux protagonistes inventés par Gir/Moebius et forment une sorte de ruban (justement) autour duquel chacun se déplace à loisir. Toutes les demi-heures, on peut suivre la projection inédite du film d'animation La planète encore. Dans la deuxième salle (au sous-sol), sans pour autant se désolidariser de l'univers de la bande dessinée, les travaux de Moebius sont présentés pour eux-mêmes, pour leurs qualités esthétiques et poétiques intrinsèques, insoumis aux principes de narration classiques. On s'approche davantage d'un mode d'exposition qui ressortirait des arts plastiques (et Moebius donne le change, rien à dire). Les « transformations » qui font sa singularité s'exposent en séquences, en séries de métamorphoses progressives (n'est-ce pas aussi la force du medium de la bande dessinée que de procéder, par alternance de dessins fixes et d'espaces intervallaires, à la dynamisation d'un univers visuel ?). Au même étage, on peut suivre l'entretien « Métamoebius. Giraud-Moebius Métamorphoses », portrait filmé orchestré par le dessinateur qui excelle dans le genre de l'auto-présentation, comme on a pu le voir récemment avec Inside Moebius.

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Vue de l'exposition MŒBIUS-TRANSE-FORME, Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris.
Photo : Olivier Ouadah

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