Créée en 1779, sous la protection attentive de François-Charles de Velbruck qui la dota notamment d’un local, La Redoute (petit édifice, situé place du Grand Collège dont les constructions seront incorporées plus tard dans l’Université, dans lequel se donnaient précédemment bals et concerts), la Société d'Émulation, constituée sur le modèle des académies qui florissaient alors dans la France du Nord, œuvrait dans une ambiance de sociabilité érudite. Elle était également chargée de la surveillance de la plupart des établissements scolaires fondés à Liège, agréés par ce prince-évêque.
La chute de l’Ancien Régime ne mit pas mis fin à sa préoccupation de mener à bien des projets éducatifs et sociaux. L’adjectif libre ne lui fut adjoint qu’en 1808, sous le régime français, par ordonnance du préfet du département de l’Ourthe, le baron de Micoud d’Umons, qui en devint également le président. Assez vite, les activités se développant, les locaux de La Redoute devinrent trop exigus. Le bâtiment bénéficia au cours du 19e siècle de modifications importantes, notamment par l’adjonction d’un deuxième étage surmonté d’un fronton triangulaire, et par la rénovation (achevée en 1852), dans un style néo-gothique, de la salle d’assemblées par l’architecte Jean-Charles Delsaux.
La fusion de l’Émulation avec la Société des Sciences physiques et médicales, datant de 1809, fit de l’Émulation un haut lieu de la science médicale de l’époque. Son Comité des Arts et Manufactures prit, quant à lui, une place importante dans le domaine minier et métallurgique du pays. À sa demande, André Dumont dressa la première carte géologique de la province de Liège. La Société se manifesta aussi dans les secteurs intellectuels et culturels par la vie active de ses autres comités spécialisés (Littérature et Beaux-Arts, Sciences, Agriculture et Musique) et par des séances publiques (au cours desquelles étaient posées des questions dont les Mémoires en réponse pouvaient bénéficier d’un prix en numéraire et de leur publication par l’association), mais aussi par l’organisation d’expositions dont l’objet touchait aux sphères artistiques, mécaniques et industrielles.
Le siècle suivant démarra de façon apocalyptique : le soir du 20 août 1914, au début de la Première Guerre Mondiale, une soldatesque avinée mit le feu à de nombreuses maisons de la place où se trouve l'Université, et l'Émulation brûla de fond en comble, avec perte totale de sa bibliothèque, de ses archives, de ses collections et des orgues, installées en 1880. Seul vestige conservé de son passé foisonnant : une feuille de titre, à moitié calcinée, des Mémoires d’outre-tombe, de Chateaubriand !
Le projet de reconstruction de son bâtiment, établi en 1929, gagna beaucoup en importance car la Ville offrit de mettre à disposition de l'Émulation, dans le même secteur, un ensemble de parcelles expropriées, dans lesquelles figure celle de la Maison Renaissance qui est aujourd’hui le siège social et le creuset des initiatives culturelles de la Société. Sur la place du 20-Août, les travaux débutèrent en 1934 pour s’achever en mai 1939 par une inauguration prestigieuse. De 1940 à 1946, ces tout nouveaux locaux furent réquisitionnés par le Département de la Justice. Ensuite, au fil des années, les trois derniers étages ont été loués à la Radio Télévision belge, à l'Université, à l’association Le Grand Liège ainsi qu’à des services-clubs. De nombreux Liégeois se rappellent encore la confortable salle de spectacles du rez-de-chaussée, mais aussi les salons vert et gris du bel étage (régulièrement loués pour des réceptions et des mariages), et enfin, la salle d’expositions où ont été notamment présentés de grands noms de l’art moderne européen et américain, par l’entremise de la section des Beaux-Arts de l’APIAW (Association pour le progrès intellectuel et artistique de la Wallonie). Sans oublier la fréquentation, assidue pour certains, du Café des Arts, véritable institution estudiantine sise juste en face de l’Université !
