Les raffinements de Versailles
À partir du règne de Louis XIV, la cuisine classique française se répand presque partout en Europe et devient la référence gastronomique absolue. Il s’agit d’une cuisine fastueuse et dispendieuse à l’extrême. Elle se développe dans les plus grandes maisons de l’aristocratie française et particulièrement à Versailles, le lieu de toutes les extravagances somptuaires.

Néanmoins, au palais, la lourdeur protocolaire entourant l’expression du pouvoir royal fatigue quelque peu les courtisans qui se réfugient dans des repas plus intimes, loin de l’étiquette contraignante des cérémonies officielles. Dorénavant, on se réunit dans une nouvelle pièce, entièrement dévolue à la table : la salle à manger. On s’y installe en petit comité autour d’une table ronde, bien plus conviviale et propice à la discussion que la traditionnelle disposition en U.

8. Table rondeL’aristocratie privilégie les moments intimes autour d’une table ronde, loin des pesanteurs du repas public. Jean-François de Troy, Le déjeuner de chasse, 1738

Louis XV n’échappe pas à la tendance. Ce roi timide et taciturne manifeste lui aussi le besoin d’échapper au cérémonial de la cour. Ainsi, dès 1732, lors de ses parties de chasse, il instaure le rituel des soupers des petits appartements. Ces soupers se caractérisent par une grande proximité entre le roi et ses courtisans, ainsi qu’un impressionnant relâchement de l’étiquette. Pour donner un exemple, les participants ont le droit de s’asseoir en présence du roi lors de la partie de jeu. C’est du jamais vu ! Ainsi, les soupers sont l’occasion pour Louis XV de retrouver l’idéal chevaleresque dans le partage des joies de la chasse, activité noble par excellence, et de vivre des rapports simples avec ses compagnons triés sur le volet.

Déjeuner d'huîtresComment cela se passe-t-il concrètement ? Après la partie de chasse, ceux qui le désirent se réunissent dans le cabinet. Le roi fait une courte apparition, observe chacun, et disparaît aussitôt. Il remet ensuite la liste des noms des heureux élus à un huissier qui se charge de faire l’appel à voix haute. Les convives, n’excédant jamais 30 personnes, sont alors invités à gagner les petits appartements qui se situent au premier étage. La soirée est organisée en trois temps. Le souper proprement dit est suivi de la partie de jeu qui s’achève avec la cérémonie du coucher du roi. Tout cela se déroule dans une grande décontraction et les témoins nous assurent que Louis XV se montre particulièrement gai et loquace, tout à l’opposé de son image traditionnelle.

Si nous n’avons aucune description de la table de ces petits soupers, nous pouvons nous faire une idée précise de sa composition grâce à la littérature culinaire de l’époque. Tout d’abord, nous remarquons que les services se simplifient et s’organisent de manière bien plus ordonnée qu’au Moyen Âge et à la Renaissance. Alors qu’un banquet du16e siècle pouvait accueillir jusque neuf services, dont six de rôtis, le repas du 18e siècle ne comporte plus que trois services répondant à des codes précis.

Jean-François de Troy, Le déjeuner d’huîtres, 1735.
On y remarque l’ambiance décontractée d’un retour de chasse à Versailles,
autour d’un verre de champagne et d’une multitude d’huîtres.

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