La cuisine à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance

L’Europe que nous avons laissée aux alentours du 14e siècle est une Europe culinairement divisée. D’un côté, nous avons les dignes héritiers de la tradition gréco-romaine qui s’est mariée à la tradition germanique au cours du Haut Moyen Âge. Leur cuisine est volontiers aigre-douce et s’enrichit de l’apport arabe du sucre de canne, des confiseries, des pâtes alimentaires et, entre autres, des eaux distillées, surtout de rose. Cette cuisine fusion se rencontre en Italie, en Espagne, dans le Languedoc et, de manière plus marquée encore, en Angleterre. De l’autre côté, nous avons la cuisine capétienne, qui rejette le modèle méditerranéen et affirme un goût prononcé pour l’aigre et le brûlant des différents poivres. Le sucre n’y est encore réservé qu’aux malades. Ce modèle est celui de la France du Nord et de différentes régions d’Europe septentrionale. Ajoutons que tout le monde succombe aux confiseries et à la folie des épices exotiques qui vivent, dans les derniers siècles du Moyen Âge, leurs plus grandes heures de gloire.

Mais les choses évoluent considérablement au cours du 15e siècle. Le bastion français de l’aigre et du piquant tombe à son tour sous le charme de la douceur du sucre de canne. Désormais, tout le monde revient à l’aigre-doux.

Platina1Ainsi, les recettes de la version imprimée du Viandier de 1486 se montrent sous un autre jour que celles du Viandier de 1300, tout simplement par l’ajout de sucre ! Souvenons-nous de notre blanc-brouet qui ne pouvait en aucun cas recevoir ni sucre, ni édulcorant. Dorénavant, la même recette contient du sucre de canne et du vin doux. Les autres marqueurs de la cuisine méditerranéenne, comme les agrumes ou les fruits sucrés, ne figurent néanmoins pas dans le Viandier.

L’humaniste Bartolomeo Sacchi, dit Platina, remporte un succès considérable
dans toute l’Europe avec son De honesta voluptate et valetudine.

L’influence de l’Italie se marque davantage au 16e siècle, lorsqu’elle devient le centre incontesté de la gastronomie en Europe. Les précurseurs sont maître Martino, auteur du Libro de coquinaria, vers 1450, et l’humaniste Bartolomeo Sacchi, mieux connu sous le nom de Platina. Il est l’auteur du De honesta voluptate et valetudine, à savoir de l’Honnête volupté et santé. « Honnête volupté » ! Il s’agit là d’une véritable bravade vis-à-vis de l’Église, pour laquelle la gourmandise est un péché mortel !

Mais ce sont les grands maîtres italiens Messisbugo et Bartolomeo Scappi qui, au 16e siècle, parviennent à l’expression la plus aboutie de la cuisine médiévale méditerranéenne. Scappi, auteur du monumental Opera, véritable encyclopédie de la gastronomie, inspirera les maîtres queux dans l’Europe entière.

Opera de ScappiL’Opera de Bartolomeo Scappi est une œuvre monumentale richement illustrée, avec la représentation d’un impressionnant panel d’instruments de cuisine.

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