Le théâtre-action, expression des minorités...

en enfer théâtre action

Sous la conduite de comédiens-animateurs, des personnes en situation socialement difficile mettent en scène leur quotidien pour susciter la réflexion... ou le changement.

Le théâtre-action est un mouvement théâtral qui prend forme, en Belgique francophone, dans la foulée de mai 68. Appuyé par les mutations culturelles en cours et par l'idéal de « démocratie culturelle », divers acteurs se réunissent dès 1977-78 pour former un collectif baptisé, dans un premier temps, le CATEF pour Centre d'Action Théâtrale d'Expression Française1. Le CATEF sera progressivement rejoint par d'autres compagnies. Aujourd'hui appelé Mouvement du Théâtre Action, il regroupe 17 compagnies dispersées sur le territoire de la Communauté française.

 

 

Statut officiel du théâtre-action

Selon l'Arrêté Royal de mars 2005 fixant les missions des compagnies de théâtre-action, celles-ci remplissent principalement deux missions. Tout d'abord, elles ont en charge un travail théâtral « avec des personnes socialement ou culturellement défavorisées ». Il s'agit de ce que l'on appelle plus couramment le travail en atelier. Ensuite, elles peuvent réaliser des créations propres, répondant aux désirs artistiques de la compagnie et que l'on appelle créations autonomes.

Sans entrer ici dans les combats liés à la reconnaissance institutionnelle, mentionnons néanmoins que le théâtre-action fait aujourd'hui administrativement partie intégrante du secteur des Arts de la Scène alors qu'il aurait pu se voir rangé au sein de l'Education permanente. Et ce, notamment en raison du travail en atelier qui vise à développer avec un public fragilisé une création collective en lien avec les situations vécues par ce public. Le souhait des compagnies était, sur ce point, de permettre à la culture populaire non-professionnelle de côtoyer au moins administrativement la culture professionnelle.

théâtre action

Le concept de « non-public »

Les politiques de démocratisation de la culture ont, il y a déjà quelques années, fait jaillir l'idée d'un « non public » : celui qui, pour des raisons diverses, principalement financières ou symboliques, ne parvient pas à obtenir un accès à la Culture.


Cette notion de « non-public » est fondamentale pour les comédiens-animateurs qui animent les ateliers et qui participent à des créations autonomes. L'objectif est en effet de toucher ceux que la culture « traditionnelle » ignore la plupart du temps.

Faire émerger leur culture

Les troupes de théâtre-action s'entendent, par ailleurs, sur un objectif de participation fort.  Un comédien-animateur  nous disait récemment : « Il n'y a pas que la Culture, qu'il faut donner aux pauvres. Ces gens-là ont une culture ! Et comment peut-on faire émerger cette culture-là ? ».

La démarche propre au théâtre-action refuse donc de s'arrêter au désir, bien pensant, de transmettre une culture commune (jugée dominante) à tous. L'enjeu est davantage, selon les comédiens-animateurs, de permettre l'émergence d'autres cultures, oubliées, étouffées, etc.

Si l'idée de « non-public » est présente, il faut dès lors la concevoir à travers le prisme de l'action : il s'agit de « faire-avec », comme nous disait un comédien-animateur 2.

Afin d'entrer en contact avec ce « non-public », de multiples partenariats sont développés avec des Centres Culturels, des Maisons de Jeunes mais aussi des Entreprises de Formation par le Travail, des Organismes d'Insertion Socioprofessionnelle ou des CPAS et, bien sûr, avec des ASBL diverses.



 

1 Les principaux objectifs de ce collectif réunissant, à l'époque, quatre troupes sont les suivants : « 1. Jeter les bases d'une nouvelle politique du théâtre pris comme moyen d'expression, de prise de conscience et de communication des collectivités en milieu populaire, 2. Permettre aux groupes défavorisés de se réapproprier un langage pour faire entendre leurs problèmes et leurs options communes, 3. Développer la connaissance et l'expression des problèmes spécifiques aux régions, 4. Promouvoir par la création, l'émergence d'une nouvelle dramaturgie, 5. Favoriser une meilleure appréhension des divers genres dramatiques et la participation active des groupes aux techniques d'animation et de diffusion culturelles, 6. Contribuer à la diffusion de la recherche dramatique ainsi qu'à la création et la formation culturelles des travailleurs » (Deltenre C., Le Théâtre-Action en Belgique, 1978, page 18).
2 Ainsi, « c'est un nouveau partage des rôles qui est en germe dans cette démarche, propre à surmonter le clivage établi entre producteurs et consommateurs de culture. » Ebstein, Ivernel (dir.), Le théâtre d'intervention depuis 1968, Tome 1, 1983, page 24.  

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