Le Blues avant 1945

Le Blues est un style musical profane, dérivé des Woks songs, apparu après la Guerre de Sécession dans l’État du Mississippi d’abord avant d’essaimer au Texas et sur la Côte Est. Dès 1920, on a pu constater l’apparition d’un style dit classique et apanage de chanteuses issues du vaudeville.  Dans le courant des années ’20, trois styles ruraux prospérèrent : Mississippi Blues, Texas Blues et East Coast Blues. Les migrations sud-nord conduisirent, dans les années ’30 à l’apparition de trois styles urbains : Memphis Blues, Saint Louis Blues et Chicago Blues. Après 1945, un Blues moderne électrifié naquit à Memphis, Chicago, New Orleans, Houston, en Californie, Louisiane et autres lieux… À la suite d’un Blues Revival parti d’Europe à la fin des années ’60 et dont les effets perdurent de nos jours, des Blues bands blancs proliférèrent au point d’être plus nombreux que les orchestres africains-américains. Le Blues se porte bien mais il a perdu de son originalité car les conditions de son émergence ne sont (presque) plus d’actualité.

 

Qu'est-ce que le Blues ?

 Il y a trois acceptions pour le mot Blues :

  • C’est un état d’âme associant cafard et tristesse. Pourtant, il y a des Blues gais et jubilatoires mais rires, joie et gaité masquent la désespérance (I’m laughin’ to keep from cryin’) de même que l’autodérision (je suis humilié et ridiculisé mais je suis le premier à en rire).
  • C’est un style musical à part entière et c’est le sujet de ce chapitre.
  • C’est un thème musical  «récupéré» par le jazz, par les variétés et par la pop music.

Les précurseurs

Avant la Guerre de Sécession, la musique profane des esclaves africains américains était essentiellement composée des chants de travail avec toutes leurs variantes. Très peu de Noirs avaient pu faire partie de cliques militaires et apprendre à jouer des instruments à vent, sauf pendant la Guerre d’Indépendance. Des esclaves de maison avaient appris à jouer du violon et du clavecin. C’était très marginal.

Les apprentissages

Après 1865, tous les esclaves furent émancipés et, même si, dans le Sud, ils furent soumis aux lois de la ségrégation et si leurs déplacements furent contrecarrés et surveillés, bon nombre d’entre eux purent accéder à des instruments de musique comme banjos, guitares, harmonicas, voire piano pour les plus chanceux. Les instruments à vent furent largement accessibles aux Noirs vers le fin du 19e s. et furent présents dès les débuts du jazz . En autodidactes pour la plupart, ils apprirent à en jouer et à subir l’influence d’autres styles musicaux profanes comme la musique country blanche.

Le  pré-blues

Dans les États du Sud, la fusion de toutes ces influences conduisit à l’apparition de solistes et de duos qui échappèrent au travail dans les champs mais animèrent les bals de maison du samedi soir, les pique-niques pour les Blancs ou pour leurs propres communautés, dans de très petites bourgades qui s’étaient formées autour des plantations. Il est établi que c’est dans l’État du Mississippi que ces musiciens autodidactes apparurent d’abord et en très grand nombre dans ce que l’on appelle le Delta, lequel n’est pas le delta géographique du fleuve Mississippi qui est au Sud de la Nouvelle Orléans quand le Mississippi se jette dans le Golfe du Mexique, mais bien une zone alluviale assez réduite, enserrée d’un réseau d’affluents du Mississippi, la Yazoo River, la Sunflower River… dans un triangle avec Clarksdale au Nord avec Como, Senatobia, Tutwiler, Greenville, Greenwood au centre et Vicksburg, Jackson et  Natchez au Sud.  On ne sait pourquoi cet espace assez réduit fut le berceau privilégié de dizaines de musiciens qui élaborèrent un style profane appelé à un grand avenir, le Blues.

 

CharleyPattonLes styles ruraux avant 1945

Blues rural phase 1

C’est dans ce Mississippi Delta en tout cas que le guitariste/chanteur Charley Patton (1887- 1934) considéré comme le fondateur d’un style vocal et rural, le Mississippi Blues, fut le premier à structurer des chants tributaires à la fois des work songs et de la musique country anglo-saxonne (considérés comme pré-blues) en  blues en douze mesures selon le schéma AAB, le premier vers (A) étant répété (A), puis suivi d’une conclusion (B), dans le cas général mais avec de multiples variantes : d’une manière générale, le chanteur chantait les 2 premières mesures du premier vers (A) et jouait les 2 suivantes, mais souvent il variait les  combinaisons et le reste était joué. Le 2e vers (A) suivait une structure variable lui aussi, ainsi que le 3e (B) qui servait de conclusion ; les  strophes  suivantes suivaient le même chemin et cette structure à géométrie variable  mit des années à s’imposer . En tout cas,  Charley Patton fit beaucoup d’émules et toute une génération de chanteurs de blues perpétuèrent cette tradition qui passa complètement inaperçue du monde extérieur jusqu’en 1920.

                                                                                                                                                                      

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