Des femmes, des contes et des frères

Pourquoi alors ce succès des contes?

Les contes allient évidences et mystère, magie et réalité, ombres et lumières, bien et mal, soumission et résistance, masculin et féminin. Avec une alternance imaginaire/quotidien. Et une opposition débrouillardise/lâcheté continuelle.

Des fées et du merveilleux

blanche-Neige et Rose-RougeLe surnaturel fait partie de la norme : l'ours de Blanche-Rose et Rose-Blanche s'exprime en paroles ; parlent également la plume, le petit poisson, le cheval blanc de Fernand Loyal (Fernand Loyal et Fernand Déloyal) ; le pain et le pommier appellent à l'aide dans Dame Holle ; dans La fauvette-qui-saute-et-qui-chante le soleil, la lune et les vents répondent à la fille cadette ; un oiseau prévient la jeune fiancée du Fiancé voleur ; Le fidèle Jean comprend le langage des corneilles ; le lièvre, le renard, le loup, l'ours et le lion des Deux frères parlent ; Le fuseau, la navette et l'aiguille travaillent tout seuls ; la petite chatte parle dans Le pauvre garçon meunier et la petite chatte ; le poisson d'or dans Les enfants couleur d'or parle et apporte richesses et or aux parents ; dans La gardienne d'oies, le cheval Falada parle, même une fois la tête tranchée ; le jeune soldat des Souliers usés du bal reçoit une cape qui le rend invisible ; dans Le roi de la Montagne, le fils du marchand prend la cape qui rend invisible ; le poisson d'or dans Les enfants couleur d'or devient enfants, lys et poulains dorés ; le lièvre recolle la tête coupée du jeune prince chasseur qui revit alors, et plus tard celle de son frère jumeau dans Les deux frères ;  dans Fernand Loyal et Fernand Déloyal, la reine coupe la tête de Fernand Loyal et la recolle sans problème ; dans Le roi de la Montagne d'or, la princesse recolle et ranime le jeune fils du marchand ; les chattes s'occupent de tout dans Le pauvre garçon meunier et la petite chatte ; les château, maisons et dépendances reprennent leur dimension naturelle après avoir été réduits dans Le cercueil de verre ; dans Le poêle en fonte, le prince et la princesse rentrent dans la petite maison qui se changea alors en un somptueux  château ; la maison et le jardin disparaissent lorsque, transformés en corbeaux, les frères s'envolèrent au dessus de la forêt, dans Les douze corbeaux ; dans La vraie fiancée, la vieille construit un château en quelques heures ; dans Le tambour, une selle transporte instantanément là où on le souhaite dès qu'on la chevauche ; dans La boule de cristal, un chapeau transporte où il le désire celui qui fait un vœu.

Ainsi que le merveilleux : robes d'or de Cendrillon ; des perles sortent de la bouche de la jeune fille belle et courageuse dans Dame Holle, des perles coulent des yeux la cadette chassée par son père dans La gardeuse d'oies près de la fontaine ; dans Les trois petits hommes de la forêt des pièces d'or sortent de la bouche de la jeune fille lorsqu'elle parle ; les robes or, argent et scintillante comme les étoiles de Peau-de-mille-bêtes et de La vraie fiancée  ; une bonne fée recueille la jeune fille chassée par son père chez La gardeuse d'oies près de la fontaine ; des fées entourent La Belle au Bois Dormant, une fée sauve Deuxyeux dans Unœil, Deuxyeux et Troisyeux ; une table garnie apparaît quand Deuxyeux le demande ; la table se dresse seule dans Le jeune géant ; de l'argent tombe du ciel pour la petite fille généreuse des Ducats tombés du ciel ; les larmes de Raiponce rendent la vue à son prince bien-aimé ; dans les Deux compagnons en tournée, le tailleur retrouve la vue en se frottant avec de la rosée tombée du gibet ; un arbre aux feuilles d'argent et aux fruits d'or pousse pour la jolie Deuxyeux du conte Unœil, Deuxyeux et Troisyeux ; dans L'oiseau d'or, le roi possède un arbre avec des pommes d'or, il y a un oiseau d'or et un cheval d'or ; la maison que la vieille offre à la princesse La gardienne d'oies près de la fontaine devient un château ; dans Le pauvre garçon meunier et la petite chatte, la maison bâtie par le garçon meunier à la demande de la princesse chatte devient un château ; dans Le pauvre et le riche, la vieille maison est transformée en neuve ;

Les humains sont aidés par des esprits, comme l'esprit vêtu de blanc de La jeune fille sans mains, ou le méchant esprit vaincu par le cadet dans  Histoire de celui qui s'en alla apprendre la peur.

Et par des fées, dans La Belle au Bois Dormant, dans La gardienne d'oies près de la fontaine, Les six frères cygnes, L'ondine de l'étang, Unœil, Deuxyeux, Troisyeux, évoquées dans La lumière bleue.

Et finalement, les acteurs se jettent dans les bras les uns des autres, ils se pardonnent, ils vivent heureux ensemble, les enfants avec les parents, les fiancés avec les fiancées, les maris avec leur femme, les soeurs avec les frères, ... Même si les happy-end ne semblent pas toujours évidents, La pauvre vieille mère, La sage Élise, Le maître-voleur, Les lutins, Les miettes sur la table, Maître Poinçon.

Espoir de bonheur et de justice

Les contes de Grimm continuent à être publiés et illustrés sous différentes formes pour les enfants et lus par les enfants ou par les parents aux enfants, dès leur plus jeune âge. Mais, mises à part la morale qui reste intemporelle ou la fin heureuse qu'on peut y trouver, ajoutés à la transmission littéraire, à la présence transgénérationnelle, aux animaux acteurs voire anthropomorphisés, qu'est-ce qui met les contes de Grimm sur le devant de la scène aujourd'hui?

vécurentheureuxEt ils vécurent heureux jusqu'à la fin de leur vie... ces mots clefs qui referment nombre de contes, sont le graal derrière lequel les êtres humains courent, vivre heureux ! mais comment ? Nombre d'ouvrages sur la quête du bonheur et le bien-être sont publiés chaque année, les contes, par leur morale et leur fin heureuse sont des espaces de distraction et d'espoir antidépresseurs qui embellissent la réalité de la vie humaine en proposant des instants de merveilleux et de magie. Et une représentation de la justice rassurante, simple et tranchée : les méchants sont réellement attrapés et punis pour leur méchanceté, loin des traitements complexes de la justice aujourd'hui. Et les bons finissent par être récompensés, seule issue possible. Une éducation à la vie en suivant les réserves, les précautions, les menaces, les narrations, les explications que nous livrent les contes. Mais également en observant et intégrant les rôles sexués qui y sont repris, gendérisation effective et efficace qui en fait bien plus que les lois ne pourront jamais le faire. Simplification apaisante de la vie quotidienne aujourd'hui si complexe. Les contes permettent de rendre préhensible le bonheur, pour l'atteindre, il suffit de passer les épreuves et de garder son cœur pur. L'obtention du bonheur dans ces vies si rapides et stressantes : "... la belle fille du roi se maria au comte, ils restèrent ensemble dans le palais, et ils vécurent dans la plus grande félicité aussi longtemps que Dieu voulut." La gardeuse d'oie près de la fontaine. Jolie fin, pleine de promesses, voire d'amour, ouverte sur le monde, suscitant l'envie de vivre la même chose. "Et depuis lors, ils ont vécu heureux ensemble jusqu'à la fin de leurs jours" La fauvtte-qui-saute-et-qui-chante.  "Ils s'embrassèrent et vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours" Demoiselle Méline, la Princesse. "Et ils vécurent heureux jusqu'à leur mort." La Belle au Bois Dormant. " Ainsi les deux jeunes époux régnèrent ensemble sur les deux royaumes et vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours." Le poêle en fonte (Le fourneau). "Et désormais rien ne manqua plus à leur bonheur tant que dura leur vie." L'oiseau d'or. "Ils vécurent donc heureux ensemble..." Le roi de la Montagne d'or. "Ensuite on célébra les noces et ils vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours." Peau-de-mille-bêtes. "Ils s'aimèrent et vécurent heureux jusqu'à un âge très avancé." Les trois feuilles du serpent. "...et il ramena sa bien-aimée dans son royaume, où ils furent accueillis avec des transports de joie et vécurent heureux désormais pendant de longues, longues années de bonheur." Raiponce. "...alors Joringel rentra avec sa Jorinde et ils vécurent longtemps heureux" Jorinde et Joringel ;"...ils vécurent riches et heureux pour le reste de leur vie". L'apprenti meunier et la petite chatte. "Et ils vécurent tous heureux ensemble jusqu'à la fin." Le fidèle Jean. "...et ils vécurent désormais tous ensemble heureux et unis jusqu'à la mort." Les douze frères. "Pendant de nombreuses années, le roi, la reine et ses six frères vécurent dans le bonheur et la paix." Les six frères cygnes. "...ils célébrèrent leurs noces et vécurent heureux et tranquilles, s'aimant de tout leur cœur." puis "Ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre, s'embrassèrent, et s'ils furent heureux, qu'on ne le demande point." L'ondine de l'étang. "Mariée et heureuse, elle vécut de longues années de joie et de plaisir." Unœil, Deuxyeux et Troisyeux.


Page : précédente 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 suivante