Des femmes, des contes et des frères

La femme cuisine, tisse et nettoie

La Belle au Bois DormantLa gendérisation se retrouve dans les activités et travaux de la vie quotidienne Ainsi que dans les qualités attendues d'une "bonne" compagne et "épouse, déterminant ainsi un ideal typisch féminin qui a peu changé. Le travail est fortement sexué, les espaces publics et privés sont bien divisés et intégrés. Sans avoir eu en charge les travaux domestiques, Blanche-Neige s'occupe de la maison des sept nains avec adresse et grand plaisir, elle connaît les gestes, et répond positivement à la proposition des mains, elle nettoie, cuisine, fait les lits, lave, coud et tricote, à l'intérieur de la maison en échange de quoi elle peut rester avec eux (caricature de la représentation du mariage traditionnel). Blanche-Rose et Rose-Rouge soignent leur maison, s'occupent de la petite cueillette, ramassent du petit bois, entretiennent l'âtre, filent au rouet, pêchent du poisson. Cendrillon gère des durs travaux domestiques, porter l'eau, allumer le feu, cuisiner, lessiver, trier les cendres. Peau-de-mille-bêtes fait le dur travail en cuisine, porter l'eau et le bois, tisonner le feu, plumer les volailles, éplucher les légumes, trier les cendres. Dans Dame Holle, la belle jeune fille file du matin au soir, elle s'occupe de la maison, faire le lit, secouer l'édredon. Dans Frérot et sœurette, on rencontre une camériste et la nourrice.  Une camériste veut apprendre à frissonner au jeune homme qui ignore ce que c'est dans Histoire de celui qui s'en alla apprendre la peur. Dans Hansel et Gretel, c'est la fille qui va chercher l'eau du puits et allume le feu. Dans La Belle au Bois Dormant, une vieille file au rouet, une bonne plume une poule à la cuisine. La fiancée du petit lapin doit cuisiner du chou vert et le millet. Dans La gardeuse d'oies près de la fontaine, la vieille coupe et ramasse des herbes, la jeune garde les oies dans la bruyère et toutes deux filent au rouet. Dans La nixe ou la dame des eaux, la fillette doit filer et porter l'eau. Dans La sage Élise, la jeune mariée doit cuisiner, cueillir des maïs, préparer la soupe. Dans Le fuseau, la navette et l'aiguille, l'humble jeune fille file, tisse et coud. Le Jeune géant s'adresse à sa mère pour avoir un bon repas. Dans Les douze frères, la jeune sœur prépare les repas, ramasse le bois pour le feu dans la maison, cueille des plantes entretient la cabane, met des draps blancs sur les lits. Dans Les lutins, la servante balaye et travaille pour la maison. Dans Les petits nœuds, les deux jeunes filles filent, tissent, cousent. Les trois fileuses filent tout le lin. Dans Les trois petits hommes de la forêt, la jeune fille doit filer, rouir le fil, passer le balai près de la maison. Au temps de son insouciance, La jeune fille sans mains balaye la cour. Toutes ces activités se font principalement en interne, sauf les cueillettes et la garde des oies qui se font à proximité de la maison. La femme idéale doit rassembler les compétences requises dans ces domaines féminisés, elle doit savoir coudre, filer, tisser, cuisiner, gérer l'eau et le feu, balayer et nettoyer les sols.

Tout en travaillant activement et en évitant surtout d'être paresseuse.

La beauté des filles est un facteur social influent

À ces qualités s'ajoute un déterminant socialement important pour les filles : la beauté. C'est une caractéristique sexuée indispensable dans les contes, les princesses sont toujours belles et pour les non-princesses, c'est un atout de séduction et de fidélisation intéressant. Cendrillon, La Belle au Bois Dormant, Blanche-Neige, Raiponce, Demoiselle Méline la princesse, Blanche-Rose et Rose-Rouge, Peau-de-mille-bêtes, Soeurette (Frérot et Sœurette), la princesse proposée par son père au Petit Âne, La gardeuse d'oies, la princesse du Roi grenouille ou Henri de Fer, la princesse de L'eau de vie, la princesse de La boule de cristal, la princesse dans L'oiseau d'or, la princesse dans Le chasseur accompli, la fille du meunier dans Rumpelstiltskin, la belle villageoise dans Les trois fileuses, La vraie fiancée sont tellement belles qu'elles attirent les regards et rendent les jeunes princes amoureux. Pour certaines, c'est le roi qui les emmène comme La jeune fille sans mains fille d'un meunier, la jeune villageoise pure dans La noire et la blanche épousée, la fille du bûcheron dans L'enfant de la bonne vierge, la jeune princesse petite soeur des Douze frères, la princesse petite soeur des Six frères cygnes, la belle villageoise dans Les trois petits hommes de la forêt ; ou encore un autre noble, Comte pour la princesse La gardeuse d'oies près de la fontaine, Seigneur pour la jeune Deuxyeux dans Unoeil, Deuxyeux et Troisyeux. Et cela a la même importance pour les jeunes sans titre de noblesse, quels qu'ils soient, ainsi Le vaillant petit tailleur  accepte les épreuves ordonnées par le roi pour la jolie princesse proposée en remerciement, la belle fille du meunier est proposée à un prétendu gentilhomme qui accepte dans Le fiancé voleur, l'un des frères tombe amoureux de la beauté remarquable d'une jeune  villageoise dans Les enfants couleur d'or, dans L'ondine de l'étang le fils du meunier aime une belle jeune villageoise.  

Burne-JonesBurne Jones, Sleeping Beauty

La beauté d'une fille peut faire perdre la tête, c'est la beauté de la princesse mourante qui fit prendre le risque fatal au jeune médecin de La mort marraine ; c'est la beauté de Blanche-Neige qui finit par rendre folle la reine sa belle-mère.

Soulignons cependant, d'une part que la beauté d'une jeune fille peut être indépendante de son amour, être une qualité féminine soulignée, mais ne pas avoir de fonction matrimoniale, comme la jeune servante de l'auberge, très jolie, pure de traits et gracieuse de corps, qui était tombée amoureuse de Fernand-Loyal dans Fernand Loyal et Fernand Déloyal, comme la belle fille du meunier et celle encore plus belle du porcher envoyées dans la forêt à la place de la princesse gratter Le poêle en fonte, comme pour Jorinde et Joringel, pour la princesse promise par son père à celui qui débarrasse le vieux château de ses sortilèges dans Histoire de celui qui s'en alla apprendre la peur, pour la cadette dans La fauvette qui saute et qui chante,  pour la cadette des princesses dans La reine des abeilles, pour la jeune fille dans Le cercueil de verre, pour la princesse du Poêle en fonte (Le fourneau), pour les filles du roi dans Le roi grenouille ou Henri de Fer, pour les princesses du roi qui maria sa fille au joli petit tailleur dans Les deux compagnons en tournée, pour les douze princesses dans Les souliers usés au bal, pour la princesse dans Les trois feuilles du serpent, pour les trois filles du pauvre père dans L'homme à la peau d'ours.

D'autre part, que ce critère joue un rôle facilitateur dans le regard que portent les jeunes filles sur un homme, une jeune servante a le coup de foudre pour Fernand-Loyal parce qu'il était fort joli garçon (Fernand Loyal et Fernand Déloyal), dans Le petit âne, la jeune mariée découvre qu'elle a épousé un beau jeune prince dont elle tombe amoureuse, la princesse obligée de tenir sa promesse découvre que le jeune prince emprisonné dans Le poêle en fonte est un beau jeune homme qui lui plait et dont elle tombe alors amoureuse, dans Les trois cheveux d'or du diable la princesse est heureuse d'épouser le jeune homme né coiffé parce qu'il était beau et charmant, Raiponce accepte de devenir la femme du prince qui s'est introduit dans la tour parce qu'il est jeune et beau, dans La fauvette qui saute et qui chante, la jeune fille découvre que le lion auquel elle a été promise est un très beau jeune prince ensorcelé qui lui plait et qu'elle épouse, dans Les enfants couleur d'or, la jeune fille découvre sous les peaux d'ours un très beau jeune homme qui lui plaît, comme la princesse voit que Le tambour est un beau jeune homme et qui a risqué sa vie pour la sauver, elle lui tend la main et dit qu'ils se marieront un jour. À noter que plusieurs des jeunes filles étaient déjà engagées vis-à-vis du jeune homme avant d'en découvrir la beauté (promise, fiancée, mariée), cela les a poussées à l'aimer. Dans L'homme à la peau d'ours, les sœurs de la cadette fiancée cherchent à attirer l'attention du visiteur parce qu'il est très beau. Et petite particularité, dans Les deux compagnons en tournée, le joli petit tailleur est donné en mariage à l'aînée des princesse qui était trop âgée pour recevoir des bonbons.

reineToutefois, cette beauté masculine est juste un élément qui satisfait la jeune épouse, ce n'est pas l'élément qui justifie l'intérêt et la proposition de mariage comme ça l'est pour les jeunes filles, la place de la beauté dans la démarche amoureuse est inversée. La beauté féminine est un facteur social particulièrement influant puisqu'il active la visibilité de la jeune fille, favorise l'intérêt de l'autre, provoque la rencontre et permet de trouver un époux, et ainsi d'assurer le futur d'autant plus si l'époux est riche et/ou noble.

Pour cette raison, la beauté déclenche envie, jalousie et violence. La beauté de Blanche-Neige rend folle sa belle-mère qui voit là une rivale à supprimer. La mère/belle-mère de la belle Cendrillon l'asservit et la transforme en souillon pour supprimer la concurrence avec ses filles; dans La noire et la blanche épousée la mère et sa fille maltraitent la belle-fille qui qui est très belle alors que la fille est devenue laide ; dans Dame Holle la mère qui favorise sa laide fille biologique est cruelle avec sa belle-fille parce qu'elle est très belle ; dans les Trois petits hommes de la forêt la belle-mère dont la fille biologique est repoussante déteste sa belle-fille qui est de plus en plus belle et est demandée en mariage par le roi. Et le père de Peau-de-mille bêtes veut en faire sa femme.


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