Liège donne du relief au Magasin des suicides

deviseAu rayon des œuvres littéraires réputées inadaptables au cinéma, Le magasin des suicides de Jean Teulé trône fièrement en tête de gondole. L’animation, une fois de plus, serait l’alliée ultime d’une entreprise un peu folle, celle de porter à l’écran l’histoire décalée de la famille Tuvache, célèbres commerçants au cynisme le plus sombre. Tel semble être le défi lancé par Patrice Leconte, plus connu du grand public pour sa trilogie des Bronzés que son passage, à l’aube des années 1970, comme illustrateur de bande dessinée au sein du magazine Pilote. Un défi relevé avec la collaboration du Pôle Image de Liège.

Le film, très attendu, n’hésite pas, à dessein, à surfer sur la vague de la 3D. Ou plutôt, d’une « 2D relief », comme aime l’appeler son auteur, histoire d’intriguer encore un peu plus la foule de futurs spectateurs. Derrière cette dénomination se cachent, en creux, de nombreuses questions et notamment, celle du rapport entre le cinéma d’animation et sa mise en relief. En récupérant le discours promotionnel actuel lié à la 3D inondant les salles obscures, le projet parvient en fait à vendre comme inédites certaines pratiques pourtant présentes depuis longtemps dans le cinéma d’animation.

MultiplaneCameraDisneyÀ commencer par une impression de profondeur suggérée par la superposition de calques distincts ; les plans se superposent, se masquent et se révèlent. Une technique qui rappellera probablement la multiplane camera inventée par Walt Disney en 1936 et dont on peut encore trouver aujourd’hui quelques reliques dans certains parcs d’attractions. Les décors chargés de Pinocchio (1940) ou de Bambi (1942), connus de tous, auront pu bénéficier de cette technologie novatrice pour l’époque et fidèle au projet de Disney de proposer des « dessins animés plus réalistes ».

MultiplanCameraDisney

Quête incessante et vaine de l’image animée, que l’emploi de la 3D sera supposé magnifier. Le procédé repose assez logiquement sur le principe de l’enregistrement image par image de celluloïds disposés sur un banc titre multiplan, où chacun d’eux présente des rapports de netteté, de distance et de vitesse de défilement différents.

Disney-surgissement

S’il permet de suggérer un effet de profondeur, seuls des mouvements latéraux ou vers l’arrière-plan permettent de restituer cette représentation spatiale d’une 2D jouant sur l’illusion. Parfois appelée « pseudo 3D » ou « 2D et demi », cette profondeur ajoutée peut donc en un instant retomber dans les tréfonds d’une inéluctable platitude.

Il vous faudra également chausser les traditionnelles et inévitables lunettes dédiées pour profiter de la majestueuse « 2D relief » chère à Patrice Leconte. La stéréoscopie viendrait donc, à son tour, à la rescousse de l’animation, pour donner de l’épaisseur au projet jugé a priori inadaptable. Difficulté majeure de l’entreprise : rendre aux objets du volume, par inclinaison ou à l’aide d’un rendu davantage anguleux sur l’une des deux images reçues par chaque œil.  Tel est probablement l’atout majeur de l’animation dans la recherche incessante d’une troisième dimension saisissante à défaut d’être convaincante.

4. Le magasin des suicides - 3D stéréo

 


 

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