La littérature policière a d’ailleurs de tout temps servi de vivier au cinéma policier…
Oui, à plus de 90%, les polars sont des adaptations d’œuvres littéraires, les scénarios originaux étant finalement assez rares. La grande époque du film noir, les années 1940-50, est très directement liée à une école littéraire américaine dont Dashiell Hammett et Raymond Chandler sont les figures les plus importantes, le second écrivant d’ailleurs souvent le scénario des adaptations.
Pourquoi le cinéma a-t-il à ce point puisé dans la littérature ?
D’une part, de manière générale, l’industrie cinématographique a toujours regardé ce qui se faisait ailleurs, en particulier en littérature. Elle reste à l’affût des succès populaires qui, espère-t-elle, rejailliront sur le film. Regardez, par exemple, la manière dont, très vite, les producteurs se sont battus pour les droits de Millenium. D’autre part, dans les romans policiers, on trouve une grande lisibilité, des actions très claires, des personnages peu décrits psychologiquement mais qui existent par leurs actions. Le cinéma préfère suivre des individus dans leurs comportements plutôt que d’être dans leur tête. Énormément de romans policiers possèdent ainsi une capacité d’adaptation. On parle d’ailleurs souvent d’écriture cinématographique. Et puis la littérature policière a créé des archétypes très bien conçus pour fonctionner sur le mode de la série. Avant l’intrigue elle-même, beaucoup d’auteurs inventent d’ailleurs leur personnage qui connait des variations suivant les enquêtes. Ce qui convient très bien au cinéma et, surtout, à la télévision.
Est-ce pour cette raison que le spectateur semble en général moins déçu par la transposition cinématographique d’un polar que par celle d’un roman traditionnel ?
Ce n’est pas sûr. Voyez les adaptations de Sherlock Holmes, grand référent dans la littérature policière. Les amateurs sont quasi systématiquement toujours déçus par les films. La littérature développe l’imagination du spectateur qui est toujours contrariée à l’écran, c’est une règle universelle.
Pensez-vous que les séries policières apparues ces dernières années, notamment aux États-Unis, ont secoué le cinéma ?
Certainement. Dans les années 1980, le cinéma américain ayant changé de public cible, produisant des œuvres essentiellement pour adolescents, a perdu beaucoup de scénaristes qui ont retrouvé du travail du côté des télévisions câblées. Mais je pense qu’Hollywood est en train de réagir et tente de faire revenir des scénaristes télé pour écrire des films plus adultes et plus complexes.
Quid du cinéma policier français ?
Il s’inscrit dans une tradition longue et variée. Le polar très réaliste d’Olivier Marchal, basé sur une expérience, fait école. Il y a là un modèle souvent repris en Europe, notamment en Italie.
Dans l’histoire du cinéma, voyez-vous des films-phares ?
L’un des premiers films importants du côté de l’intrigue criminelle est certainement Scarface d’Howard Hawks (1932), un grand film de gangsters. À la grande époque du film noir, on peut citer Le Faucon maltais de John Huston (1941), Le Grand Sommeil d’Hawks (1946) ou La Soif du mal de Welles (1958), chant du cygne du genre. Sans oublier le cinéma hitchcockien où le summum, en termes d’intrigue, est Psychose. Du côté français, citons Les Diaboliques de Clouzot (1955) tiré d’un roman de Boileau-Narcejac.
La collection Vendredi 13 est éditée par La Branche. Chaque volume, quelle que soit sa pagination, est vendu aux prix de 15 €
Michel Paquot
Juillet 2012
Michel Paquot est journaliste indépendant.

Dick Tomasovic enseigne au Département des Arts et Sciences de la communication - Théories et pratiques du spectacle (vivant ou enregistré).
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