Du 11 mars au 7 septembre, les Collections artistiques de l'Université de Liège exposent à la Galerie Wittert leurs plus belles pièces d'art africain.
Nous avons la chance, en Belgique, d'avoir de nombreuses et très riches collections coloniales. Bien sûr «chance» n'est sans doute pas le terme approprié, puisqu'à l'époque de leur constitution, nous avions simplement à justifier des visées toutes scientifiques que nous avions envers l'État indépendant du Congo pour que les collectes d'objets soient encouragées1.
Le fonds ULg
La collection africaine de l'Université de Liège, dont sont issues les pièces exposées, se base essentiellement sur les objets réunis par le professeur Charles Firket (qui les acquit lui-même auprès d'une vingtaine de coloniaux) entre 1891 et les années 20 et sur celle de l'École Coloniale de Liège.
Ce fond est le témoin de l'époque dans laquelle il a été créé : ses fondements étaient scientifiques et non esthétiques et il tendait à illustrer la vie quotidienne des Africains auprès d'élèves qui allaient être les coloniaux de demain2.
De nos jours, l'attention des amateurs et des muséographes occidentaux s'est presque exclusivement focalisée sur les objets cultuels figuratifs (essentiellement masques et statues) et sur un aspect esthétique formel universel qui nous dispenserait d'avoir à nous pencher sur les détails de la culture qui les a produits. Il faut dire que mettre en avant l'Universel évite de se poser d'embarrassantes questions sur les spécificités que nous avons contribué à faire disparaître.
Dans ce contexte, le fonds de l'Université de Liège offre une occasion rafraichissante de voir quelques objets trop rarement exposés et quelques thèmes trop rarement abordés.
Si je me montre sans doute critique envers la colonisation, il faut toutefois se garder de ne voir ces objets que comme autant de trophées coloniaux arrachés à des populations innocentes.
Statuettes
À titre d'exemple, il existe chez les Teke un énorme foisonnement de statuettes aux significations et pouvoirs divers: l'Ityo source d'autorité, le Buti incarnant un ancêtre, le Kapiangu recherchant les délinquants, le Mbem protecteur de la maison, etc3.
Tous ces dispositifs partagent toutefois un mode de construction similaire : on achète sur le marché une statue, un «bout de bois» à figure humaine, parfaitement neutre et dépourvue de toute efficacité. Puis on s'en va trouver le ngaa, spécialiste magico-religieux (il en existe de différents pour chaque type de dispositif) qui équipe la statue d'une charge magique constituée d'ingrédients divers, souvent logée dans un trou percé dans le ventre de la statue.
Ce n'est qu'à ce moment que l'objet acquiert ses propriétés et prend toute son importance aux yeux de son propriétaire. Et encore faut-il distinguer en importance entre un buti, contenant une relique humaine irremplaçable et un quelconque charme parfaitement reproductible.
Si on observe les trois statuettes Teke de la collection (inv. 15320, 15322 et 15757) on constate que deux n'ont pas encore de cavité destinée à contenir la charge magique et que la troisième, bien que disposant d'une cavité, est vide. On est donc en présence d'objets encore neutres et très probablement légalement acquis au marché comme l'eut fait n'importe quel Africain (15320,15322) ou désactivés (15757) et non en face du résultat d'une horrible spoliation d'objets sacrés.
On fera la même observation sur la très belle statue Songye (inv. 15330) dans le style de la région de Lubefu : les statues songye étaient quasiment toujours équipées, ce qui laisse imaginer qu'elle a pu être acquise avant utilisation4.
Il serait fastidieux d'étudier sous cet angle la totalité de la collection universitaire, mais j'espère avoir contribué à rassurer le visiteur soucieux d'éthique.