Collier de chef
Cette forme d'écriture très africaine se retrouve de façon beaucoup plus abstraite sur le collier mulua u a mpu d'origine teke (inv.15343).
Ce collier, insigne des chefs de terre, était un objet personnel : il décrivait non seulement le rang mais aussi les aptitudes de son propriétaire. Un fils n'aurait donc pu reprendre le collier de son père puisque fondamentalement le « portrait » figurant sur le collier ne se serait pas appliqué à lui.
La forme dentée du collier est un indice d'autorité (peut-être sur le nombre de familles occupant le territoire, ou encore une allusion au nombre de reliques qui nourrissent son pouvoir).
Toujours est-il qu'un collier d'onkoo ou de muko (que l'on pourrait traduire librement par roi et ministre), montre un double motif crénelé qui à la lumière de ce que je viens d'exposer s'interprète facilement : «qui a autorité sur ceux qui ont autorité».
Le collier de l'ULg n'est donc pas le collier d'un onkoo ou de ses muko mais celui d'un ngaa ntsie (chef de terre) tout simple.
On y voit différents motifs, comme celui du kignumu, «l'esprit national» teke. C'est assez logique: le chef de terre, comme son nom l'indique est lié à l'espace territorial, et en tant que tel interragit avec les esprits locaux (par comparaison, par exemple aux ancêtres davantage liés à une famille qu'à un lieu) dont le kignumu est le plus important représentant.
Une spécificité du collier de la collection Firket est l'absence complète de symbole du leebe. Ce symbole sanctionne la faculté de voir ce qui est caché : «l'autre monde» mais aussi les problèmes bien réels qui par nature tendent à être invisibles (complots, etc).
Si l'on admet que plus ce symbole est répété sur le collier plus on insiste sur cette faculté, son absence du collier laisserait supposer que son propriétaire devait être un homme d'action plutôt qu'un fin stratège.
Le temps manque hélas pour aborder tous les objets : j'ai choisi ici, très subjectivement, de tourner mon regard vers quelque pièces somme toute assez modestes de la collection plutôt que sur ses chef-d'œuvres, comme par exemple le masque ngbaka14 qui présente d'étonnantes similarités avec les canons esthétiques fang, ou encore lega, tribus pourtant assez éloignées.
Cela pose inévitablement la question d'une histoire (quand bien même elle ne serait qu'orale) de l'art africain et de courants de pensée esthétique transcendant les ethnies.
Juin 2012
Frédéric Cloth est expert en arts africains, collaborateur scientifique de l'Université de Yale.
162 pièces d'art africain volées aux Collections artistiques de l'ULg dans les années 1950 sont toujours recherchées |
L'exposition en pratique
Collections artistiques de l’ULg (Galerie Wittert, entrée par la cour centrale de l'ULg place du 20-Août)
Exposition accessible du 11 mars au 7 septembre 2013,du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 17h,
le samedi de 10h à 13h ;
Attention : horaire susceptible d'être modifié durant les vacances d'été !
L'exposition sera fermée : du 1er au 6 avril, les 1er, 9, 10 et 20 mai, les 15 et 16 août.
Catalogue des collections africaines en vente
Feuillet pédagogique disponible gratuitement
Possibilité de visites guidées et de visites ludiques (infos et réservations auprès de l’asbl Art&fact : 04 366 56 04 / art-et-fact@misc.ulg.ac.be)
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- 14 L'attribution aux ngbaka reste assez floue. Willy Mestach attribue le masque très similaire de ses collections aux ngbandi voisins. Disons que l'on est en tout cas dans le nord du congo.