L'ULg expose ses collections d'art africain

La collection d'armes

Un des points forts du fond de l'ULg est un bel ensemble d'armes. Ce goût des armes est typique des collections de la fin du 19e, où elles étaient fréquemment exposées en bouquets structurés par des faisceaux de lances (les panoplies). Il faut dire que ces armes ne font pas qu'évoquer des aventures lointaines : leurs formes sont aussi belles qu'inquiétantes.

armes1

Les armes les plus extravagantes, les couteaux de jets5,  sont représentées dans l'exposition par un kipinga d'origine zande (inv.15272) 6 et un bwambwa d'origine ngbaka (inv.15274)7 . Ces armes sont une invention purement africaine, aussi caractéristique du centre de ce continent que ne le serait un boomerang pour l'Australie, et, en cette fin de 19e siècle, elles viennent à peine d'être découvertes et déchaînent la passion des collectionneurs8.

armes2

On ne peut que frémir a l'idée d'un semblable objet fendant l'air à la recherche de sa victime. Elle pouvait parcourir 50 mètres et était réellement dangereuse dans un rayon de 20 mètres. Son sifflement et son aptitude à réfléchir la lumière en vol la faisaient qualifier de shongo (foudre). D'après Marc Leo Felix9 ces armes seraient à l'origine du nom de la tribu bushoong («Bu Shongo», le peuple de la foudre, autrement dit «ceux qui manient le couteau de jet» : méfiez-vous si vous en croisez un !).

Ces armes étaient apparemment perçues comme effrayantes même en Afrique, puisque Marc Leo Felix relate qu'au 16e siècle le roi Kuba Shyaam a-Mbul a-Ngwoong (dont il existe un portrait sculpté au Museum of Mankind de Londres) les avait interdites parce qu'inhumaines10.  C'était la bombe atomique du coin, somme toute.

Il existe toutefois une propension toute coloniale à exagérer la supposée sauvagerie des Africains. Les armes de jet étaient des objets précieux qui n'appartenaient pas au guerrier, mais au chef, et les lancer exposait au risque de les endommager, de les perdre, d'avoir à justifier leur utilisation à haute voix en plein combat11 et, vu qu'on n'en avait en général qu'une seule, de se retrouver désarmé (ou en tout cas moins armé) sur le champ de bataille. Autrement dit, l'analogie à la bombe atomique ne s'arrête pas à son aspect dangereux : les armes de jet étaient brandies pour impressionner plus qu'elles n'étaient réellement utilisées, au point d'ailleurs que certaines étaient uniquement dissuasives, inutilisables par leur excentricité et construites dans le seul but de paraître effrayantes à l'ennemi.

armes3

 




5 voir Westerdijk (Peter), The African Throwing Knife, University of Utrecht (Pays Bas), 1988, pour une remarquable étude de l'ensembles des couteaux de jets.
6 (ou nzakara, voire ngbandi)
7 (ngbandi, ngombe, doko)
8 La première description d'une arme de jet est faite par Piaggia (Carlo), Nella terra dei Niam-Niam 1863-1865, à peine 26 ans avant le début de la collection Firket, et ce type d'arme n'arrivera en europe qu'au dernier quart du 19e. Felix (Marc Leo), Kipinga, (Bruxelles, Belgique), 1991
10 Également dans "Kipinga". On notera toutefois que la brève biographie du roi Shyaam a-Mbul a-Ngwoong par Cornet ne mentionne pas ce fait. Cornet (Joseph), Art Royal Kuba, Edizioni Sipiel (Milano, Italy), 1982
11 Elsen (Jan), De fer et de fierté, armes blanches d'Afrique noire du musée Barbier-Mueller, 5 continents (Milano, Italy), Musée Jacques Chirac (Sarran, France), Musée Barbier Mueller (Geneva, Switzerland), 2003

Page : previous 1 2 3 4 next