Gordon Meade - The Familiar

familiar175Gordon Meade vient de publier un recueil intitulé The Familiar (Arrow Head, 2011). C’est en fait un recueil de recueils, dont la partie la plus poignante, la dernière, nous livre des élégies sur des êtres proches, décédés récemment, retrouvés dans ces vers, mais au delà du miroir. Dans une autre partie, nous sommes à Venise (‘Shooting Venice’), et le guide Baedeker s’anime au contact de ce que voit le locuteur, ici un cauchemar saisissant.

 

The Ponte della Paglia

 

Not the sort of material that any
self-respecting pig would build his house from,
not unless he wanted it blown down.

It was given its name because it was
where the boats delivering straw to the city used
to tie up. All the bodies of the drowned

were also laid-out along its length so that
their friends and family, their beloved, or not so
beloved, could come and claim them.

Last night, I dreamt I had to pick
my way across it, making sure I didn’t step
on any of the remains of the dead.

I stood on a hand by mistake.
A young girl sat up straight, but when she opened
her mouth in order to complain, a torrent

not of words, but of salty water poured
out of her. Drained, she lay back down on her bed
of straw, as I woke up afraid.

Ponte della Paglia

 

Pas le genre de matériau dont un cochon
qui se respecte bâtirait une maison,
à moins qu’il ne veuille la voir s’envoler.

Ce nom il l’a reçu parce que c’était là
que s’amarraient les bateaux amenant la paille
à la ville. Les corps des noyés étaient aussi

étendus sur sa longueur pour qu’amis
et parents, ceux qu’ils aimaient, ou pas trop,
puissent venir les reconnaître et les emporter.

La nuit dernière, je devais m’y frayer
un chemin en prenant soin de ne marcher
sur aucune de ces dépouilles mortelles.

J’écrasais une main par distraction.
Une fillette se redressait, mais quand elle ouvrait
la bouche pour protester, au lieu de mots

c’est un torrent d’eau salée qui se déversait.
Vidée, elle se recouchait sur son lit
de paille, et je m’éveillais dans le mien.

 

Christine Pagnoulle
Juin 2012

 

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