Michael Curtis - In the affirmative

En octobre 2012 (pour la biennale de poésie de Liège et le Festival des littératures étrangères), Michael Curtis aura tout juste publié un dixième recueil, Horizon, des poèmes liés à cette île de Man qui est la terre de ses ancêtres. Même au cœur de l’observation la plus minutieuse, en fait surtout là où l’observation est la plus exacte parce que libre de toute grille de perception pré-établie, ses vers suggèrent l’étrangeté du monde, la proximité de dimensions autres, à la fois familières et dérangeantes,  heimlich-unheimlich. Voici deux poèmes en traduction. Le premier, tiré du recueil In the Affirmative (Redbeck Press, 2008) est un clin d’œil à ce que nous ne pouvons savoir sur un quelconque au-delà, ici l’île vers laquelle est partie la barque emportant le roi Arthur.

affirmative170

Avalon

 

This is where you get on.
Step over the breakers
and you’re on your way.

How far? Last week’s couple
did it in a morning
before they disappeared.

When I say “disappeared”
don’t get me wrong.
We lost sight, that’s all.

I expect they made it
as they didn’t come back
and no flares were seen.

No, we don’t use ropes.
It’s too much to carry
and they tangle in the tides.

You’ve got plenty of water
there’s food in the packs
and, of course, the flares.

Would you do me a favour?
If, when you get there
send us a signal. A sign.

Something to let us know.
Thanks. Right then, off you go
keep straight and you’ll be fine.

That’s it. Follow the track.
Can you make it out?
Aim for the centre of the light.

 

Avalon 

 

C'est d'ici que vous partez
Passez les rouleaux
et là c'est bon.

C’est loin ? Le couple de la semaine
passée a mis une matinée
avant de disparaître.

Quand je dis 'disparaître'
ne vous méprenez pas.
On ne les voyait plus, c’est tout.

Ils sont bien arrivés, je suppose,
puisqu'ils ne sont pas revenus
et qu'on n'a pas vu de fusées.

Non, on n'utilise pas de cordes.
C'est trop encombrant
et ça s'emmêle dans les vagues.

Vous avez bien assez d'eau
il y a à manger dans les sacs
et, évidemment, des fusées.

Puis-je vous demander une chose?
Si, quand vous serez arrivés
envoyez un signal. Un signe.

Pour nous faire savoir.
Merci. Bon alors, allez-y
toujours tout droit et ça ira.

C'est ça. Suivez la piste.
Vous la distinguez bien?
Visez le centre de la lumière.

 

HORIZON

 

hauls its blues
over serried roofs, rises
above dish and ariel
crows crashing trees
smokeless chimneys.

Sea level
a high fence
that keeps us in, raises
stakes on travel, surprises
logic, quizzes visitors, insists

the sun keep its head
above water, paints
in space, fills the time
between dustbin and gull,
ferry and hill, squeezes

air, pushes clouds
into the corners, sticks
to sky like wallpaper,
high seamless flats
erected for audience,

dado deep enough
to bask sharks, tall enough
to hook fishermen, a rail
to rope dinghies, balustrade
skis, the finish swimmers

never find,  solid light
pulled up by curving earth
to dwarf summits, claim
descending jets, lift hearts,
hold eyes.

 

L’horizon

 

traîne ses bleus
sur les rangées de toits, s’élève
par-dessus antennes et paraboles
corneilles fonçant sur les arbres
cheminées sans fumée.

Surface de la mer
une haute clôture
qui nous enserre, donne
prix aux voyages, surprend
la logique, déroute les visiteurs, insiste

pour que le soleil garde
la tête hors de l’eau,
peint l’espace, emplit le temps
entre poubelle et mouette,
ferry et colline, comprime

l’air, pousse les nuages
dans les coins, colle
au ciel comme du papier peint,
hauts aplats sans couture
érigés pour des spectateurs,

lambris assez profond
pour réjouir les requins, assez haut
pour accrocher des pêcheurs, une barre
pour amarrer des dinghies, appuyer
des skis, l'arrivée que les nageurs

ne trouvent jamais, lumière solide
dressée par la terre recourbée
pour aplatir les sommets, recueillir
les atterrissages, exalter les cœurs,
soutenir le regard.

Christine Pagnoulle
Juin 2012

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