Le Cahier Céline n°11 nous rappelle à quel point, parmi le vaste corpus épistolaire de l’écrivain (comptant plusieurs milliers de lettres), la correspondance qu’il entretint de 1947 à 1949 avec l’universitaire juif américain Milton Hindus constitue un ensemble d’une inestimable valeur, non seulement littéraire mais aussi biographique. Elle révèle un homme aux abois, en quête effrénée de soutiens à sa cause et, du coup, prêt à d’insoupçonnables courbettes. En outre, elle participe d’un constant « effort de didactisme », comme le soulignait déjà Sonia Anton dans sa thèse, dans la mesure où Céline y donne les clefs, avec force patience et répétitions de topiques, d’un art poétique qui constituera la base de l’argumentaire, quelques années plus tard, des Entretiens avec le Professeur Y.
Restent donc de cette improbable rencontre une centaine de lettres qui se lisent entre rires (les avis sur Gide) et remontées acides (les céliniens les plus endurcis admettront sans peine que les railleries de la lettre du 10 février 1949 flirtent avec l’immonde), donc dans cette zone de l’âme que l’on nomme le désarroi. Mais, aux rivages de ce noir revers de l’émotion, quel autre nocher que Céline peut nous mener le plus sûrement ?
Frédéric Saenen
Juin 2012
