Quelle ironie douce-amère d’intituler son roman La vie devant soi alors que son auteur présente la longue et lente et laide agonie de Madame Rosa, ex-putain reconvertie en gardienne d’enfants de prostituées pour laquelle Momo – jeune garçon arabe et pétillant narrateur du récit – éprouve des troubles sentiments d’amour. À travers les yeux et les mots d’un enfant perdu, Romain Gary nous offre un texte dont la fraîcheur et l’intensité des passions contrastent avec l’atmosphère pesante et misérable des rues et appartements de Belleville.
Véritable voyage initiatique, à cheval entre la vie et la mort, Momo découvre le monde et se découvre lui-même, s’interrogeant naïvement, mais profondément, sur des thèmes aussi vastes que l’amour, la maladie ou la dignité des hommes. La vie devant soi, qui met en scène des exclus de la société (bâtards, banlieusards en détresse, « travestites », …) explore la problématique du temps qui passe et de l’angoisse humaine face au spectre menaçant de la vieillesse. Romain Gary, qui reçut en 1975 le prix Goncourt pour ce roman, poigne et pique à vif son lecteur grâce à ce texte grandiose dont l’histoire, soutenue par une plume créative et innovante, bouleverse encore bien des années après sa lecture…
Florian Pâque
Juin 2012