Abé Kôbô - La Femme des sables

« …c’est que des gens qui aient réussi à s’enfuir de cet endroit-ci, eh bien,
il n’y en a encore jamais eu…  Jamais ! »

femmedessables175De son enfance passée en Mandchourie occupée, Abe Kôbô a gardé des images de sable et de désert.  Après des études de médecine, il choisit de se consacrer à la littérature.  Auteur de poèmes, de nouvelles, de pièces de théâtre et de romans de science-fiction, il traite essentiellement la question de l’identité de l’individu isolé dans un monde absurde.  Son premier roman, Les Murs (Kabe, 壁) remporte le prix Akutagawa en 1951.  La Femme des sables (1962) est considéré comme l’un des plus grands romans de la littérature japonaise moderne, a été adapté au cinéma par Teshigahara Hiroshi et a été classé par l’UNESCO parmi les œuvres représentatives du patrimoine littéraire mondial. 

Entre Kafka et le mythe de Sisyphe, ce roman propose une réflexion sur l’enfermement, l’illusion de la liberté et la condition humaine.  Niki Jumpei, instituteur-entomologiste-pendant-les-congés, se rend au bord de la mer en quête d’une espèce rare de cicindèle.  En contrebas de la plage, un étrange village, cerné par les dunes, dont les maisons gisent au fond de vastes trous que les habitants s’acharnent à désensabler.  Ayant raté le dernier bus pour la gare, il trouve à se loger chez une jeune veuve mais, le lendemain, l’échelle de corde, sans laquelle il est impossible de sortir du trou, à été enlevée…  S’engage alors un étouffant huis-clos alternant les menaces, les raisonnements, les cajoleries, les atermoiements et ce sable, partout, qui coule, glisse, s’infiltre, alourdit, engloutit, contraint les corps et les âmes et conduit à accepter le perpétuel recommencement d’un labeur qui ne procure que la seule satisfaction d’avoir été accompli.  Pris dans un échange affectif et sexuel brutal avec une femme très fruste, il passera par tous les états émotionnels, tentera de s’évader et découvrira que la liberté n’est pas où il l’imaginait.  Histoire originale au style souple et élégant qui sert aussi bien les longs monologues intérieurs du principal protagoniste que ses joutes verbales avec ses geôliers, elle commence presque comme une plaisanterie, s’ancre dans un cauchemar au réalisme angoissant et se résout en précis de stratégie mentale à l’usage de ceux qui, loin de toute résignation, trouvent le moyen de s’accommoder d’une vie incertaine, changeante et irritante comme une chaussure pleine de sable.  À lire à la montagne !

Sylvie Clarenne
Juin 2012

La Femme des sables (Suna no onna, 砂の女) - Abe Kôbô (安部公房, 1924-1993) (Trad. Georges Bonneau, Éd. Le Livre de Poche, 1992)

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