Ignacio García-Valiño - Les deux morts de Socrate

mortssocrate175Dans une péninsule hellénique qui se débat entre démocratie et tyrannie, deux femmes au charme troublant et à la volonté de fer tentent de tirer leur épingle du jeu. Le destin de la première, Aspasie de Milet, apparaît comme une mise en abîme des mutations d’Athènes. En effet, alors que celle-ci passe d’un âge d’or aux heures sombres des guerres et des épidémies, la maladie et la désillusion auront finalement raison de celle-là, courtisane de renom qui contribua à la gloire de la cité en fondant la Milésie, lupanar raffiné dont les ambitions cachées consistent à éduquer les femmes et à leur assurer une place dans une société dont elles sont exclues. C’est à cette curieuse école que se forme la seconde héroïne du récit, glaciale hétaïre nommée Néobule, qui n’aura de cesse de dominer les hommes, jouant de leurs basses pulsions sous les conseils de la sophiste Aspasie. Dans le tumulte des intrigues politiques, un dénommé Socrate, ami des deux femmes, est condamné à boire la ciguë. Peu après, le bourreau du philosophe est retrouvé assassiné à La Milésie. La subversive Aspasie fait alors appel au sophiste Prodicos de Céos, maître dans l’art de la logique et de ses détournements, afin de démasquer le meurtrier parmi une pléiade de suspects.

Ce roman bigarré, à la fois historique et policier, prend un malin plaisir à mêler l’érotique au philosophique. Ignacio García-Valiño, romancier et psychologue scolaire originaire de Saragosse, signe avec Les deux morts de Socrate un texte remarquable, tant pour sa reconstruction des dialogues socratiques et de la philosophie sophiste qu’en ce qui concerne son évocation de l’art oratoire antique. La vérité du langage, véhicule de la connaissance pour ces personnages de libres-penseurs, se dérobe au fil des interrogatoires et autres conciliabules. Par ailleurs, Athènes nous est dépeinte en un beau clair-obscur : si sa décadence favorise à bien des endroits l’ambiance crépusculaire du roman, celui-ci n’est pas exempt d’une bonne dose d’humour dont le personnage d’Aristophane est sans doute l’illustration la plus marquante.

Jéromine François
Juin 2012

GARCÍA-VALIÑO (Ignacio), Les deux morts de Socrate, Paris, trad. Dominique Lepreux, Éditions du Masque, coll. « Labyrinthes », 2007

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