À quel genre appartiendrait Ventanas de Manhattan ? C’est bien difficile à dire. Même la couverture du livre n’indique pas s’il s’agit d’un roman, d’une autobiographie, d’un récit de voyage, d’un journal ou d’autre chose. Mais c’est peut-être parce que ce récit d’Antonio Muñoz Molina, paru en 2004, est tout cela à la fois. En effet, le « je » narrateur-protagoniste, qui reste anonyme tout au long de sa narration, nous invite à faire un voyage dans l’espace et le temps.
Au fil des rues, des cafés, des librairies, des musées et des clubs de jazz qu’il parcourt nonchalamment, le personnage central décrit le monde qui l’entoure et nous en rapporte la moindre sensation. Il raconte sa nuit d’hôtel lors de son premier voyage, la vie avec sa compagne entre New York et Madrid, les événements du 11 septembre, la différence entre le jour et la nuit dans la mégalopole américaine, le fossé entre la richesse et la pauvreté, entre la multitude de personnes ─ hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, immigrés ─ qui grouille et se perd dans les avenues newyorkaises. Mais ce récit de voyage (roman, autobiographie, autofiction) nous emmène aussi dans le rêve, les fabulations du narrateur qui non seulement décrit et ressent mais aussi devine, grâce à son imagination toujours en éveil, la vie de ceux qu’il voit passer dans la rue.
En suivant le flot perpétuel de la conscience du protagoniste, nous sommes invités à fouiller notre identité, notre histoire mais aussi notre vision du monde, de l’art et de l’écriture. Le « je » (Muñoz Molina ?) regarde par la fenêtre et voit d’autres fenêtres, des tours de vitres qui séparent des êtres les uns des autres mais qui en même temps aspirent à être percées, regardées, comme dans les fameux tableaux de Hopper. Ventanas de Manhattan est un récit qui invite au voyage, à la découverte, par la force des sens et de l’imaginaire, une fenêtre sur le monde qui mérite d’être contemplé.
Antonio Muñoz Molina est un écrivain et journaliste espagnol, né en 1956 à Úbeda, Jaén, Andalousie. Auteur à succès de romans, de nouvelles et de chroniques, il est membre de la Real Academia Española et directeur de l’Institut Cervantes de New York. Il vit actuellement entre Madrid et New York.
Antoine Dechêne
Juin 2012
