
Le parcours de l'exposition se déroule en plusieurs sections thématiques, qui couvrent les liens durables établis durant les deux premières décennies du XVIe siècle entre Léonard et trois rois de France successifs, Charles VIII, Louis XII, et surtout François Ier. Il s'ouvre sur l'épisode de « La Cène », peinte par Léonard sur les murs d'un couvent milanais, et que le roi Louis XII, prédécesseur de François Ier, avait voulu emporter en France. Au fil des objets et documents, dont une grande tapisserie de haute lisse des Gobelins, tissée en laine et soie au XVIIIe siècle, représentant le Château de Chambord, le visiteur découvre Léonard comme architecte, comme ingénieur, et comme maître des cérémonies et divertissements du roi. « Ce fut l'activité principale du maître en France », commente Laure Fagnart. « Léonard était un esprit inventif, qui conçut de nombreux effets spéciaux, et réalisa des mises en scène grandeur nature pour les fêtes de la cour. » Le visiteur peut ainsi découvrir une reconstitution d'un lion automate, qui séduisit le roi et sa cour en 1517 à Argentan. Plus de 1500 heures de travail ont été nécessaires à Renato Boaretto, un spécialiste des sculptures animées, pour réaliser ce lion mécanique : comme celui imaginé par Léonard, il peut marcher sur quelques mètres, et lorsqu'on lui touche le flanc, celui-ci s'ouvre pour déverser aux pieds du roi des fleurs de lys... Les éléments mécaniques employés par Renato Boaretto ont été trouvés pour la plupart dans les études et croquis de Léonard, à défaut d'avoir les plans originaux.
L'exposition propose de nombreux dessins, croquis et manuscrits en facsimilés, d'une haute qualité de reproduction, mais aussi des dessins originaux sur papier, dont les « Jeunes filles dansantes» (ci-dessus), exceptionnellement prêtés par la Gallerie dell'Accademia de Venise. Il faut savoir que les œuvres originales de Léonard de Vinci sortent très rarement des institutions qui les possèdent : pour des raisons évidentes de sécurité, mais aussi de conservation. Une autre section est consacrée à un projet de statue équestre de François Ier. Enfin, l'exposition s'achève sur la vie quotidienne au Clos Lucé : que fait Léonard, comment se déroulent ses journées, qui rencontre-t-il, et quelle est sa postérité en France. Les romantiques français seront les premiers à populariser le « mythe » Léonard de Vinci.
« L'objectif de l'historien est évidemment de débrouiller les fils d'une histoire souvent reconstruite, sur le thème du génie surgi de nulle part », précise Laure Fagnart. «Mais il faut aller à l'encontre des idées reçues : Léonard est incontestablement un grand maître, il possédait des connaissances et des savoirs dans de multiples domaines. On lui a toutefois attribué des événements, des faits ou des œuvres qui n'étaient pas en rapport avec lui, parfois également pour le magnifier. Regardez l'épisode de sa mort prétendue dans les bras de François Ier : il est à la source d'une peinture de Ingres, conservée au Louvre. L'histoire est fausse, mais l'œuvre est un magnifique hommage rendu au maître de la Renaissance. »
Alain Delaunois
Juillet 2009
Laure Fagnart est chargée de recherches FNRS au Service d'Histoire de l'Art et Archéologie de l'Université de Liège. Elle vient de publier Léonard de Vinci en France. Collections et collectionneurs, XVe-XVIIe siècles

Alain Delaunois est journaliste à la RTBF et donne un cours de pratique de la critique culturelle au Département Arts et Sciences de la Communication.
Château du Clos Lucé, Parc Leonardo da Vinci
2, rue du Clos Lucé
F37400 Amboise
Le domaine est ouvert toute l'année, de 9h à 20h en juillet-août, et jusqu'à 19h à partir de septembre.
L'exposition « Léonard de Vinci et la France » se tient, elle, jusqu'au 30 janvier 2010.
Catalogue, sous la direction de Carlo Pedretti, Éditions Cartei & Bianchi, 176 pages, 24 euros.
www.vinci-closluce.com Tél. : +33 2 47 57 5578 ou 0073.
Amboise, à 10 km de Chenonceau, est notamment accessible, via Tours, par TGV direct depuis Bruxelles.
Lire également sur Reflexions l'article d'Henri Dupuis consacré à l'ouvrage de Laure Fagnart, « Léonard de Vinci en France. Collections et collectionneurs, XVe -XVIIe siècles ».