La présence physique donne une force exceptionnelle au moment à vivre

Performance : le lieu

Aller à une performance.

La destination.

La performance, on pourrait la voir sur un écran de télévision, à distance. Il resterait la trace de la trace, multiples liens indexés perdant sans cesse la force du présent et de l’être. 

HelgeMeyer657PietroPellniOui, la présence physique, indispensable sur le lieu « où ». Présence physique du spectateur, de l’artiste. Lieu habité par le temps de l’action créatrice, par des corps.

Déjà, se trouver là bas, sur le lieu, donne une force exceptionnelle au moment qui va se vivre, dans l’attente qu’il se passe quelque chose. Une première approche d’un Art que se présente comme une première expérience, une découverte personnelle.

Et un lieu, surtout et avant tout.

Ensuite, deux expériences.

 

Helge Meyer

La rare étrangeté de l’entrée d’un pyromane masqué en costume noir,  ses actes singuliers, se recueillir sur un prie-Dieu, couper des larves à la hache, la fuite éperdue du passé, à déglutir et à hacher, immédiatement, par secousses rapides. Expurger des nombres, la trace du vide qu’on essaye d’oublier.  Acte nécessaire.

Les bougies qui coulent sur les mains, les sculptures éphémères de l’empreinte du liquide se solidifiant tels les derniers témoins d’un acte qui se fuit. La performance est la trace de l’éphémère.  

Le tout dans le silence, la lenteur.

Le souvenir très fort d’un moment unique.

Et, après, la déambulation des spectateurs, presque perdus. Plus de repère.

Dépaysement.

 

BorisNieslony936PietroPelliniBoris Nieslony

Dans les caves, la boue, l’humidité. Le lieu, encore plus fort dans ce qu’il a de peu engageant. 

Et l’Artiste. 

Deux blocs de papier disposés : des feuilles vierges, des photographies. Suit alors un cérémonial répété à chaque image :  prendre une photographie, un visage torturé, la fixer sur un mur de verre, visible de tous, telle une œuvre de galerie d’art, puis prendre une feuille vierge, la placer devant son visage, déposer la feuille, puis laisser une alchimie mimétique se cristalliser, prononcer des phrases dans un langage imaginaire, direct, incroyablement fort. Proximité de la photographie et de sa représentation par le langage et le geste. Langage imaginaire comme une source d’expression universelle. L’humain exprimé.  L’interprétation intérieure de la souffrance.  

Il y a trop de photographies. Au fur et à mesure de ce processus répété, l’artiste semble de plus en plus perdu, pour finalement disparaître, dans le fond de la cave. On ne sait pas très bien quand se termine la performance, on attend, et un vague malaise se ressent. Force dramatique de la représentation. Durée. 

Bouleversement.  

Philippe Thoma
Mai 2012

 


 


Photos © Pietro Pellini