Publié fin 2011 par l'ASBL SMartBe et Les Impressions Nouvelles, « L'artiste, un entrepreneur ? » fait le point sur la place économique, sociale et juridique occupée par les artistes dans nos sociétés.

« L'artiste, un entrepreneur ? » est un ouvrage collectif coordonné par le Bureau d'études de l'association SMartBe. Créée en 1998, SMartBe est une association professionnelle des métiers de la création ayant pour mission d’offrir aux professionnels de la création des outils administratifs leur permettant de gérer eux-mêmes leurs projets et leurs activités dans un cadre juridiquement sécurisé. Face à la complexité du secteur administratif belge, l'association vise à donner aux artistes des outils juridiques, fiscaux et financiers afin de simplifier leur activité professionnelle. Surtout présente en Belgique francophone, elle étend petit à petit ses activités en Flandre. Une association sœur française, SmartFr, a ouvert ses portes en 2008 pour répondre aux mêmes demandes. Une nouvelle structure SMartEu a vu le jour pour fédérer diverses entités sœurs à travers l’Europe.

Initié en 2007, le Bureau d'études de SMartBe a pour mission d'analyser et d'esquisser des perspectives afin de faire reconnaître l'occupation artistique comme une activité professionnelle à part entière. À ces fins, le Bureau développe différents types de recherches pour améliorer la protection des artistes : mise sur pied de journées d'études, publication d'ouvrages, soutien actif d'initiatives artistiques et militantes, etc. C'est dans ce cadre que le recueil « L'artiste, un entrepreneur ? » a été publié fin novembre aux Impressions Nouvelles.

« Dans nos pays, depuis l'Ancien Régime, les systèmes de subventionnement public ont fait de l'État le premier bailleur de fonds de la création. Or, les artistes d'aujourd'hui se trouvent de plus en plus confrontés à la nécessité de trouver d'autres sources de financements pour leurs productions. Cette nouvelle donne induit dans leur chef de nouvelles manières de penser leur travail. Ils se voient obligés d'acquérir des compétences inédites qui, la plupart du temps, ne leur ont pas été enseignées dans le cursus académique ».

On le voit, l'artiste est contraint de trouver de nouvelles stratégies, de nouvelles positions pour exercer son art. Ceci l'amène à adopter une posture où il doit lui-même créer ses propres perspectives d'emploi, via l'élaboration de projets. L'hypothèse posée par l'ouvrage est que la démarche artistique pourrait dès lors s'apparenter à une logique entrepreneuriale. De ce postulat découlent de multiples questions auxquelles l'ouvrage va tenter d'apporter des réponses : Comment la pratique de l'artiste peut-elle relever de l'entrepreneuriat ? Comment l'artistique et l'économique peuvent-ils se concilier ? Comment l'artiste peut-il s'ériger en entrepreneur ? 

Pour répondre à ces multiples interrogations, SMartBe a fait appel à des intervenants très divers : universitaires (théoriciens en information et communication, sociologues, démographes, économistes...), journalistes, artistes et acteurs culturels au sens large. Les interventions peuvent également prendre des formes multiples : essai, étude statistique, plaidoyer engagé, entretien retranscrit ou témoignage personnel. Afin de dresser les contours d'une réalité dépassant le seul cadre belge, l'ouvrage intègre également des contributions françaises et néerlandaises. Ce choix permet au lecteur de prendre la mesure des différences locales et internationales tout en étant confronté aux potentielles similitudes.

L'ouvrage est scindé en trois parties. La première, intitulée « L'entrepreneuriat et le secteur artistique - Définitions et points de vue », tente de cerner dans quelle mesure le rôle de l'artiste peut s'apparenter à celui de l'entrepreneur. La deuxième, « L'entrepreneuriat et le secteur artistique - Histoire, droit, société, politiques publiques », revient sur la constante évolution de la place occupée par l'artiste dans l'histoire de nos sociétés et tente d'examiner les opportunités et les freins à l'avènement actuel d'un « artiste entrepreneur ». Enfin, la troisième partie a pour ambition de donner un ancrage concret aux précédentes considérations théoriques, par l'évocation et l'analyse du parcours de divers artistes et acteurs culturels. Cette inscription dans la réalité du terrain est tout sauf une coquetterie : si l'ouvrage vise à susciter réflexions et théories, c'est aussi pour contribuer à la remise en question des structures juridiques, sociales et économiques supportant le secteur artistique.

« L'artiste, un entrepreneur ? » assume entièrement son statut d'ouvrage collectif par la présentation d'une grande diversité de conceptions de l'entrepreneuriat et un nombre important de positionnements distincts. Mentionnons à cet effet le texte de Jef Van Langendonck, dans lequel celui-ci se refuse à accorder une protection économique et sociale privilégiée à l'artiste, au nom des principes d'impartialité et de non-discrimination ; texte qui détonne clairement du reste de l'ouvrage, plutôt favorable, comme nous le verrons, à l'établissement d'un régime particulier pour les artistes. C'est cette grande diversité des intervenants, de la nature des textes et des opinions développées qui donne toute sa richesse à l'ouvrage. Réflexion théorique, ensemble de textes aux traits engagés, cet ouvrage est également une main tendue à l'ensemble des artistes curieux de savoir quelles attitudes adopter et quels outils utiliser pour parvenir à vivre de leur art. Ce dossier a pour ambition de mettre en relief quelques-uns des principaux axes de réflexion de l'ouvrage, par le biais de textes réflexifs et la reproduction, dans leur intégralité, de quelques textes de l'ouvrage.

 Kevin Jacquet
Février 2012

Kevin Jacquet est chroniqueur indépendant, diplômé en Art du Spectacle. Il commence une thèse de doctorat consacrée au théâtre.

Smart - Collectif, L'artiste, un entrepreneur, Éd. Les impressions nouvelles, coll. Hors collection, novembre 2011,
408 pages, ISBN 978-2-87449-125-2