Constantin P. Cavafy : un poète grec dans l'Alexandrie décadente
Le déjà célèbre Constantin P. Cavafy que je présenterai brièvement ici fut un poète original et sensible, qui semble se tenir entre deux cultures, la grecque et l'orientale, ainsi qu'entre deux époques : l'Antiquité et les temps modernes. Cependant, il les transcende pour avancer vers un concept de l'être humain universel, au delà de toute limite de temps et d'espace, ce qui explique sans doute le succès mondial de ses vers, qui sont traduits dans plusieurs langues.
Biographie
C. Cavafy est né en Alexandrie, en Égypte, le 29 avril 1863. Il est le neuvième enfant d'une famille de commerçants grecs, originaires de Constantinople. Son père, Petros Cavafy (dont l'initiale figurera après le prénom du poète dans la suite), meurt en 1870 et sa famille nombreuse vit ensuite pour six ans en Angleterre. Le retour en Alexandrie ne dure pas longtemps : des conflits politiques et le bombardement de la ville par les Anglais pousse les Cavafy à chercher refuge auprès des grand-parents à Constantinople pour trois ans. C'est là que le jeune Constantin écrit ses premiers poèmes, d'influence romantique, qu'il rejettera plus tard.
En 1885, Constantin retourne à Alexandrie avec sa mère et deux de ses frères. Il parle parfaitement le grec, l'anglais et le français et a fait des études commerciales, sans négliger une culture classique, littéraire et historique, au niveau européen. Au début, il exerce des métiers divers : journalisme, emplois commerciaux et financiers. Finalement, à partir de 1892, il devient fonctionnaire au Ministère des travaux publics. Il démissionnera trente ans plus tard, en 1922.
En 1932, Cavafy développe un cancer de la gorge et se rend à Athènes pour subir une opération et suivre une cure. De retour à Alexandrie, il meurt le jour de son anniversaire, le 29 avril 1933.
Son Œuvre
De 1886 à 1891, Cavafy produit quelques articles sur des sujets d'intérêt national. En 1891 il publie un poème inspiré de Baudelaire. Il continuera à écrire des vers jusqu'à la fin de sa vie. Pendant la première période de sa création artistique (1891-1911), il présente des influences du parnassisme et du symbolisme. Plusieurs de ses poèmes « didactiques », comme il les appelait, appartiennent à cette période. Cavafy publie parfois ses poèmes dans des revues et des journaux, mais le plus souvent il effectue des petites publications individuelles (de 50 copies, par exemple), qu'il distribue à ses amis.
En 1897, une publication bilingue de son poème « Murailles » voit le jour, traduit en anglais par le frère du poète, Ioannis Cavafy, une coopération étroite qui continuera plus tard pour d'autres œuvres, aussi.
En 1901, C. Cavafy voyage à Athènes pour la première fois et rencontre des représentants importants des lettres grecques, comme I. Polemis et Gr. Xenopoulos. Ce dernier présentera le poète et son œuvre au public hellénique deux ans plus tard, après leur deuxième rencontre à Athènes, avec un article dithyrambique dans la revue Panathinaia.
Cavafy gagne de nombreux autres admirateurs, mais aussi des détracteurs et des ennemis de son travail jusqu'à la fin de sa vie.
Le poète continue à écrire, en prenant tout le temps nécessaire de travailler chaque détail de ses vers, ce qui ne l'empêche pas de les modifier éventuellement plus tard, en présentant souvent de nouvelles versions. Ses poèmes sont plutôt courts et écrits dans un idiome très personnel de la langue grecque, où des mots et des expressions archaïques et modernes se côtoient, souvent modifiés par le poète d'une manière originale. La rime est parfois recherchée, mais pas nécessairement. La longueur des vers varie également.
Cavafy lui-même considère 1911 comme le début de sa « maturité artistique », quand il ré-évalue son travail précédent, rejette ses créations de jeunesse et acquiert une plus grande cohérence et unité dans son style et ses intérêts thématiques. Il laisse derrière les schémas symboliques et mythologiques, se concentre sur l'Alexandrie à travers les âges et devient plus osé dans ses poèmes d'amour. Son talent est désormais bien connu et largement reconnu.
En 1912, le poète publie sa première « collection », contenant 54 de ses œuvres. En 1916, il rencontre l'auteur anglais E. M. Forster, qui le présentera pour la première fois au public anglais en 1919, dans la revue Athenaum de Londres. Des traductions de ses poèmes en anglais suivront, parmi lesquelles celle d' « Ithaque », publiée dans la revue Criterion, du poète T. S. Eliot. Notons que le seul profit financier que Cavafy a jamais tiré de ses poèmes fut la rétribution versée par ces revues anglaises.
Cavafy continue à travailler, à être publié, discuté et sujet à controverses, jusqu'à la fin de sa vie. Le corpus des poèmes reconnus par leur auteur comme acceptables arrive à un total de 154 œuvres. Ayant commenté aussi une partie de ses créations, le poète les distingue en trois larges catégories, même si quelques-unes pourraient appartenir à plus d'un genre. Il s'agit de poèmes : a) « historiques » et « mythologiques » (« En 200 av. J. Chr. », « Rois Alexandrins », « Dieu abandonne Antoine », « Thermopyles », « Dans l'attente des Barbares », « Ithaque », « Les chevaux d'Achille », etc.); b) « didactiques » (« Murailles », « Les Fenêtres », « La ville », « Chandelles », etc.)et c) « hédonistiques » (« J'ai contemplé tellement longtemps », « Au Plaisir », « Je m'en suis allé », « Le soleil de l'après-midi », etc.). Nous verrons tout de suite pourquoi.