Le prix Jean Rostand est le seul prix littéraire de la « saison des prix » qui récompense un livre scientifique. Le but est de mettre en avant un effort remarquable de vulgarisation. Voici trois livres récompensés ces deux dernières années. Ils vous feront découvrir des sujets aussi variés que la culture animale, la terre de construction, et les enjeux aquatiques. N'ayez pas peur,  c'est de  la science, mais très accessible.

Michel de Pracontal - Kaluchua ; Cultures, techniques et traditions des sociétés animales - Science ouverte

Qu'est-ce qui définit notre humanité ? Au fil des siècles, la réponse à cette question devint de plus en plus difficile. Poussé dans ses derniers retranchements, l'homme moderne a tendance à répondre « la société, la culture ». Raté ! La culture et la vie sociétale ne sont pas l'apanage de ces homos sapiens arrogants.

Voici un livre à mettre entre toutes les mains. Pourquoi ? parce que si la révolution copernicienne – la Terre n'est pas au centre de l'Univers – a été plus ou moins bien assimilée, nous nous plaçons toujours au sommet de l'évolution, au centre de l'univers intelligent... Il est temps de descendre de ce piédestal-là aussi !

Chaque chapitre vous invite à découvrir un animal, dans toute sa culture. On y trouve, en vrac : chants en vogue chez les baleines, vol de lait par les mésanges, assaisonnement des mets chez les singes, ou encore connaissance des montagnes chez les moutons. On aurait aimé plus d'exemples encore (et pas seulement chez les primates), tant la chose - l'odyssée de l'esprit – est passionnante.

Laetitia Fontaine et Romain Anger - Bâtir en terre ; Du grain de sable à l'architecture

Mis à part pour quelques férus d'architecture, il est fort à parier que vous n'auriez même pas feuilleté ce livre s'il avait été près de vous, peut-être même n'y auriez-vous pas jeté un seul regard. Après tout, « bâtir en terre », cela ne semble pas très « sexy ». Quelle erreur ! Voici un livre où l'on apprend beaucoup, et dont on ressort heureux, heureux d'avoir pu découvrir tant de choses différentes.

Le livre s'articule autour de trois parties : architecture, matière et innovation. La première se concentre sur les techniques de construction, passées et actuelles, ainsi que sur les différentes architectures présentes dans le monde. Elle répond directement à l'objection que le citoyen lambda se fait quand on parle de terre : non, ce n'est pas que pour les pays sous-développés (il y a divers exemples d'architectes contemporains utilisant la terre) ; oui, on bâtit encore en terre, et c'est peut-être même notre futur. La deuxième partie entre dans le vif du sujet : la terre, au juste, c'est quoi ? Composition, couleur, assemblage, phénomènes plus ou moins étranges sont passés en revue. La dernière partie termine sur une note diversifiée – cœur des molécules, ciment alternatif, et architecture naturelle.

Le tout est organisé en mini-chapitres courts et clairs, qui plus est magnifiquement illustrés. Outre ces superbes images, on appréciera ces diverses expériences simples qui jalonnent le texte. Elles permettent de saisir vraiment le « comment ça marche ». Il est fort à parier que beaucoup d'entre vous finiront dans le bac à sable, littéralement, pour tenter de reproduire ces expériences ludiques – on ne pourra vous en blâmer, c'est tout simplement le virus de la démarche scientifique, et il est contagieux !

Bref, amateurs de beaux livres ou d'architecture, d'archéologie ou de design, de physique ou de chimie... ou tout simplement curieux de nature trouveront tous de quoi se satisfaire dans ce livre. Pour une fois, il y a du contenu, pas seulement de jolies images...

Lionel Goujon et Gwenaël Prié - Les Voyageurs de l'eau

L'eau, l'or bleu du 21^e siècle. Le jugement est connu, mais la situation globale de ce trésor naturel l'est moins. Deux voyageurs ont pris leur sac à dos pour voir ce qui se passait aux quatre coins du globe.

Ce livre dévoile donc les nombreux problèmes et enjeux liés à l'eau (potable, pour l'agriculture,...) ainsi que quelques éléments culturels et/ou ethnologiques. Très bien illustré, il se compose de chapitres courts qui permettent une lecture facile et passionnante. Le tout est organisé par continent, au fil du voyage de nos deux explorateurs.

S'il faut quelques critiques, on peut regretter la limitation du contenu « science pure » – à certains moments, un peu de science en plus n'aurait pas fait de tort, pour comprendre moins superficiellement les problèmes. On peut aussi reprocher aux auteurs quelques répétitions dans la partie Asie et le manque d'un panorama européen (quoiqu'il existe quelques références à la situation française au fil des pages). Ceci dit, pour quelqu'un qui veut découvrir les enjeux de l'or bleu, voici une lecture indispensable, qui vous fera certainement réfléchir.

Yaël Nazé
Janvier 2012