
Gallimard. Un éditeur à l'œuvre
Dans la collection Découvertes, dont on ne répétera jamais assez la qualité, Alban Cerisier signe une biographie à la fois complète et synthétique de Gaston Gallimard. Cet ouvrage impeccablement illustré propose en annexes des témoignages de Proust, Vialatte ou Claude Roy, des extraits de lettres signées Max Jacob, Céline, Gide, Gary ou Modiano ainsi que des notes de lecture émanant du fameux comité. Celles de Paulhan sur Qui je fus d'Henri Michaux en 1925 (« Michaux écrira un jour ou l'autre de très belles choses ; c'en est déjà une »), du même sur L'Étranger de Camus en 1941 (« À prendre sans hésiter ») ou de Raymond Queneau sur Barrage contre le Pacifique de Duras en 1949 (« Excellent. Évidemment, ça rappelle les premiers romans américains, un peu trop parfois. (...) Mais encore une fois, avis très favorable. »)
176 p., 14,30 €

Correspondances avec Gaston Gallimard
Quatre-vingt lettres écrites ou reçues par l'éditeur sont réunies sur ce CD de la collection Écoutez Lire. C'est Denis Podalydès qui tient le rôle de Gaston dont les interlocuteurs sont excellemment campés par Éric Caravaca (Gide), Guillaume Gallienne (Proust), Fabrice Luchini (Céline), Daniel Mesguich (Claudel) et Thibault de Montalembert (Paulhan). Cet échange épistolaire s'ouvre par une lettre du très jeune Gaston à celui qu'il admire, Gide, à propos de la recherche d'un livre ancien. Elle est datée de 1906, soit six ans avant la création de la maison d'édition. En 1916, le même s'adresse à Proust pour lui demander, après s'être répandu en excuses pour avoir refusé son premier livre, de leur soumettre la suite. Ce que l'intéressé, se plaignant de son mauvais état de santé, juge tout d'abord, à son grand regret, « impossible », même s'il se sent « NRF à un point que je ne peux dire ». Les choses s'arrangeront, comme on sait.
En 1919, Gaston propose à « Monsieur Poulhan » (sic), « sous une forme ou sous une autre, une collaboration ». Elle durera près d'un demi-siècle. En 1944, il est question de la liquidation de la Nouvelle Revue française – qui ne reparaîtra finalement qu'en 1953 –, du regret d'avoir « laissé échapper » Julien Gracq ou, dans le chef de Paulhan, de « vagues projets d'Académie» française ».
On peut aussi écouter ce chef d'œuvre du genre qu'est la longue lettre de Céline, datée d'avril 1932, et signée Louis Destouches, qui accompagne le manuscrit du Voyage au bout de la nuit. « Un récit romancé dans une forme assez singulière dont je ne vois pas beaucoup d'exemples dans la littérature en général. (...) Une symphonie littéraire, émotive. (...) Du populisme lyrique, du communisme avec une âme. (...) C'est du pain pour un siècle entier de littérature, c'est le Goncourt 1932 dans un fauteuil pour l'heureux éditeur qui saura retenir cette œuvre sans pareil. » Suivent, dans les années 1950, les escarmouches épistolaires entre l'écrivain, qui ne ménage pas ses injures et reproches à son « sacré vieux coffre-fort qui fait blabla », son côté « rapiat », la mévente de ses livres et le manque de critiques, et l'éditeur, qui conserve stoïquement son calme et son amabilité, répondant point par point aux attaques de son irascible correspondant. Les dernières lettres concernent la publication du Voyage et de Mort à Crédit en Pléiade, volume qui paraîtra en 1962, quelques mois après la disparition de leur auteur. De bien beaux et souvent hilarants moments d'écoute.
2h40, 18 €

5, rue Sébastien-Bottin
Sous un très grand format, Georges Lemoine et Roger Grenier donnent vie à l'adresse mythique de la maison Gallimard. Le premier en croque les façades avant et arrière ainsi que plusieurs pièces : des salons, dont celui du Comité de lecture, les sous-sols, le bureau de Philippe Sollers ou le « couloir aux manuscrits ». Dans sa galerie de portraits figurent Proust, Breton, Malraux, Yourcenar ou Sartre. Roger Grenier, de son côté, entré chez Gallimard après-guerre, passe en revue les multiples lieux liés à son histoire. Jusqu'à la rue Sébastien-Bottin dont le morceau où s'installe l'éditeur en 1930 s'appelle alors rue de Beaune. Et qui, au printemps dernier, a pris le nom de rue Gaston Gallimard.
118 p., 29,90 €

Le roman du XXe
« Quel serait pour vous le roman représentatif du 20e siècle ? ». À cette question posée par La Nouvelle Revue française, ont répondu une trentaine d'écrivains de nationalités différentes. Leurs textes sont réunis dans Le roman du XXe coordonné par Jean Rouaud. Antonio Tabucchi a retenu Si c'est un homme de Primo Levi, Martin Amis Bruit de fond de Don DeLillo, Djian Céline, Thar Ben Jelloun Pedro Paramo de Juan Rulfo, Jens Christian Grondahl Histoires de Claude Simon, Amos Oz La Storia d'Elsa Morante, Javier Marias Le Guépard de Lampedusa, Alain Mabanckou Le Tunnel d'Ernesto Sabato ou Pierre Péju Austerlitz de W.G. Sebald. Deux contributeurs ont choisi Malaparte, Pierre Assouline Kaputt et Stéphane Audeguy La Peau.
266 p., 22,50 €

Correspondance Gaston Gallimard-Jean Paulhan
« Cher Gaston, il me semble que ma vie véritable a commencé le soir où vous êtes venu me proposer (dans cet horrible cave du ministère) d'entrer à la NRF. Depuis lors, il me semble aussi que j'ai eu chaque jour plus d'amitié pour vous et plus de confiance. Ca fait bien vingt-quatre ans que vous êtes venu me voir avec Jacques |Rivière]. Alors, vous vous rendez compte. » Cette lettre, Jean Paulhan l'écrit à son patron le 25 août 1945, à une époque difficile pour l'édition française, et donc pour Gallimard. Elle figure dans la correspondance entre les deux hommes enfin publiée. Il s'agit principalement d'une correspondance de travail – il est surtout question de la revue et des auteurs qui y sont publiés, ou non – rendant compte, à sa façon, de la vie littéraire française du lendemain de la Première Guerre mondiale aux années 1960. Une correspondance sans réelles révélations, ses deux interlocuteurs doivent régulièrement se voir, mais qui montre qu'une amitié, à défaut d'une vraie intimité, a lié Gaston et Jean (qui, après-guerre, termine ses lettres par d'affectueux « Je vous embrasse »). Sans que, pourtant, ils n'abandonnent jamais le vouvoiement – alors que Paulhan tutoie Claude Gallimard.
606 p., 29,50 €
Michel Paquot
Décembre 2011

Michel Paquot est journaliste indépendant.