
Il y a quelque 7000 ans, un changement radical s'est produit au sein des sociétés qui peuplaient alors l'Europe : les populations nomades, vivant de la chasse et de la cueillette, se sédentarisent peu à peu pour devenir des éleveurs et des agriculteurs. La nouvelle exposition du Préhistosite de Ramioul - Musée de la Préhistoire en Wallonie propose de revenir à la source de ce changement et d'en étudier la diffusion, tout en mettant en évidence son étonnante homogénéité culturelle.
En 2000 ans, toute l'Europe est sédentarisée, les chasseurs-cueilleurs paléolithiques sont devenus des fermiers néolithiques, plantes et animaux ont été domestiqués et de nombreux changements, tant technologiques que culturels, ont eu lieu. La plupart des sociétés actuelles trouvent ainsi leur fondement au Néolithique : toute notre économie est aujourd'hui basée sur l'agriculture et l'élevage. Le passage de l'économie de prédation à l'économie de production, connu également sous le nom de « néolithisation » (en référence à la transition du Paléolithique au Néolithique, la dernière période de la Préhistoire) s'est donc accompli sur un laps de temps étonnamment court.
Mais où trouver l'étincelle qui propagea ensuite le brasier néolithique et ses changements à toute l'Europe ? Il semblerait que plusieurs vagues d'immigration issues des Balkans, où les techniques agricoles ont été amenées depuis le Proche-Orient, soient la cause de la néolithisation en Europe de l'ouest. Ces différents mouvements de population sont toutefois caractérisés par une véritable homogénéité culturelle : mêmes outils, mêmes traditions funéraires, mêmes types d'habitat... Cette unité est tellement remarquable que l'on peut parler d'une seule et même culture, recouvrant tout le territoire européen occidental : la culture « rubanée », qui tire son nom de la décoration en rubans imprimée sur la céramique.

La nouvelle exposition du Préhistosite de Ramioul a pour but de présenter au grand public cette culture rubanée, au travers des vestiges préhistoriques mais aussi de photographies et de documents de fouilles. Comme l'explique Sylvie Debois, archéologue attachée au service éducatif du Préhistosite et cheville ouvrière de l'exposition : La matière scientifique de « 5000 ans avant Jésus-Christ, la grande migration ? » est tirée de l'ouvrage du même nom. Nous avons donc fonctionné à contre-courant de ce qui se fait d'habitude : c'est ici le catalogue qui a donné lieu à l'exposition et non le contraire.
La collection Louis Éloy : une mine d'or archéologique
Mais « 5000 ans avant Jésus-Christ... » est aussi l'occasion de présenter au public l'une des plus importantes collections du Néolithique ancien en Belgique. Tous les objets exposés sont en effet issus de la collection Louis Éloy, acquise en 2003 par la Fédération Wallonie-Bruxelles, alors Communauté française de Belgique.
Louis Éloy, né en 1918 et décédé en 2002, était électricien à la Ville de Namur et par ailleurs diplômé d'archéologie préhistorique à l'Université de Liège. Ce fut également un collectionneur passionné, qui rassembla plus de 14 000 objets couvrant le Paléolithique inférieur jusqu'à l'Époque romaine. Bien qu'essentiellement composée d'objets belges, sa collection s'est enrichie au fil d'échanges et d'achats de pièces françaises, suisses, hollandaises, ou encore tunisiennes.
La majeure partie des vestiges archéologiques de la collection Louis Éloy est donc issue de ses propres fouilles, qu'il a menées à partir de 1934, principalement dans le Namurois et la Hesbaye. La législation en matière de fouilles archéologiques n'étant pas encore ce qu'elle est aujourd'hui, il était relativement aisé à l'époque d'entreprendre ses propres investigations et d'en conserver le produit. C'est ainsi que sont nées de nombreuses sociétés archéologiques, regroupant des amateurs qui publiaient leurs découvertes dans des bulletins et s'échangeaient des pièces afin d'accroître leur collection privée. Louis Éloy s'est cependant distingué par ses études technologiques et typologiques du matériel lithique, son inventaire minutieux de l'ensemble de sa collection ainsi que ses dessins, remarquables de précision et de finesse. L'exposition du Préhistosite présente d'ailleurs plusieurs documents originaux, devant lesquels le visteur ne manquera pas de s'arrêter.

Un musée au cœur des problématiques actuelles

Mais le Préhistosite de Ramioul n'est pas uniquement un musée archéologique : c'est aussi un musée de société, ainsi que l'aime à rappeler son directeur, Fernand Collin. C'est pourquoi l'on trouvera disséminées au fil des vitrines de courtes citations, bribes de conversations de comptoir ou mots de personnes connues, qui rappellent au visiteur à quel point la problématique de l'immigration est un sujet brûlant, hier comme aujourd'hui. L'exposition se clôture sur une série de photos de Yann Arthus-Bertrand. Elles interrogent le public sur le devenir de notre planète si la « révolution néolithique » n'avait pas eu lieu, sans toutefois tomber dans les clichés faciles d'un jardin d'Éden empli de chasseurs-cueilleurs, à jamais perdu pour l'humanité.
Une exposition d'archéologie, réunissant passé, présent et avenir, à voir jusqu'au 22 avril 2012.
Élise Delaunois
Novembre 2011

Diplômée en Histoire de l'Art et Archéologie à l'ULg, Élise Delaunois est spécialisée en archéologie préhistorique et consacre ses recherches au Paléolithique moyen.
Renseignements pratiques
L'exposition
« 5000 ans avant Jésus-Christ, la grande migration ? » : du 28 octobre 2011 au 22 avril 2012
Heures d'ouvertures : du lundi au vendredi de 9 à 17 heures et durant les congés scolaires tous les jours de 10 à 18 heures.
Préhistosite de Ramioul - Musée de la Préhistoire en Wallonie, rue de la Grotte 128, 4400 Flémalle
Tél: +32 4 275 49 75 Fax: +32 4 275 71 23
info@ramioul.org
www.ramioul.org
Le catalogue
HAUZEUR, A., JADIN, I. et JUNGELS, C. « 5000 ans avant Jésus-Christ, la grande migration ? », collections du Patrimoine Culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 240 p., 24€. ISBN / 978-2-930624-02-0
En vente au Préhistosite ou auprès de la FWB.