Les trésors du Fonds Simenon

Georges Simenon a conservé, durant toute sa vie, une quantité impressionnante de documents, qu'il a offerts à l'Université de Liège en 1976. Son œuvre complète est conservée dans ce Fonds, éditions originales, rééditions, traductions, etc. Mais aussi manuscrits, photographies, films, enregistrements, objets personnels. Tous ces documents sont mis à la disposition des chercheurs. 

Simenon au château de Colonster

C'est dans le cadre à la fois enchanteur et prestigieux du château de Colonster, à l'orée des bois du Sart Tilman, non loin de la ville, que l'Université de Liège garde l'un de ses plus précieux trésors : l'inestimable Fonds Simenon. De quoi s'agit-il ? Des archives que, le 8 juin 1976, l'écrivain a léguées à l'université de sa ville natale, afin qu'articles, textes, romans, traductions, objets et documents divers soient mis à la disposition des étudiants et des chercheurs travaillant sur son œuvre.

Détaillons quelque peu les possessions du Fonds Simenon.

L'ombre de Simenon rode autour de  son bureau au château de Colonster
Bureau de Simenon par Andrée Preschia

Deux salles du château sont réservées à l'écrivain. L'une d'entre elles s'apparente à un modeste petit musée. On y voit le bureau de Simenon, sa table de travail et sa machine à écrire et deux meubles en acajou avec vitrines derrière lesquelles sont exposés divers documents, telles que des photographies ou des éditions originales de romans. Sur le bureau trône le « Tiki », une statuette africaine en ébène représentant un singe : l'écrivain aimait à caresser le crâne de cet animal de bois, qu'il avait acquis au Congo en échange de briques de sel. Aux murs de cette première salle, outre d'autres photographies, l'on peut voir des reproductions de portraits de l'écrivain réalisés par Régine Renchon, dite Tigy, sa première femme, et des portraits signés Jean Cocteau, Maurice Vlaminck et Bernard Buffet.

La seconde salle est vouée à l'étude et renferme les archives proprement dites. Elle contient d'abord, bien entendu, l'œuvre complète sous toutes ses formes : les Maigret, les « romans durs », les romans populaires publiés sous pseudonymes, les éditions originales, les multiples rééditions de luxe ou de poche, les éditions illustrées, les éditions intégrales (71 volumes à l'enseigne de la Rencontre puis 27 volumes chez Omnibus), les trois volumes de la Pléiade, les correspondances avec Gide ou avec Fellini, les traductions de romans en trente-cinq langues, les préfaces diverses et les entretiens, les Dictées, les Mémoires et même un roman-photo. Une fois chiffrées, cette énumération est encore plus impressionnante : les bibliothèques du Fonds portent courageusement plus de 3 000 volumes de romans en français et plus de 6 000 volumes de romans traduits.

Aux livres s'ajoutent les articles rédigés par le très jeune Simenon dans un journal local, la Gazette de Liège, les contes galants parus dans des revues parisiennes légères telles que Frou-Frou, les reportages qu'il a signés dans les années trente pour Voilà, Le Figaro illustré ou Le Jour et la correspondance, en grande partie inédite, qu'il a échangée avec ses éditeurs, ses nombreux lecteurs et quelques amis célèbres comme André Gide, François Mauriac, Colette, Charlie Chaplin, Jean Cocteau, Federico Fellini, Marcel Achard, Jean Renoir, Marcel Pagnol, Folon ou Henry Miller.

Le Fonds possède également soixante et un manuscrits ou tapuscrits originaux. Cela semble peu, au regard des 192 romans publiés par l'auteur du Bourgmestre de Furnes, mais Simenon n'a procédé à l'écriture d'une version manuscrite que durant une vingtaine d'années, de 1946 à 1966 : son écriture est fine et serrée, elle court sans presque jamais s'interrompre et ne présente pratiquement aucune rature. Il s'agit de documents extrêmement précieux à tous égards : précieux intellectuellement pour le chercheur, mais aussi précieux économiquement, à tel point qu'il a été nécessaire de les placer en lieu sûr. Les chercheurs qui désireraient les consulter doivent donc faire une demande préalable. Une bonne trentaine de manuscrits photocopiés peuvent cependant être mis plus facilement à la disposition du visiteur.

Un type de document s'avère toutefois peut-être encore plus intéressant que les manuscrits : ce sont les célèbres « enveloppes jaunes », comme les appelait Simenon. Dès le début des années trente, quand il s'apprêtait à se lancer dans un nouveau roman, l'écrivain prit l'habitude de noter  quelques indications sur des enveloppes de même type, généralement couleur Terre de Sienne. Il y consignait essentiellement des détails concernant les personnages, nom, prénom, date de naissance, éléments de biographie, âge dans les différentes parties du récit, etc. Parfois, ces indications ne se trouvent pas dans les romans. Aussi les enveloppes jaunes constituent-elles de passionnantes sources d'informations.

Photo © PhotoClub ULg - Andrée Preschia

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