Rendre au Dr Gachet ce qui n'est pas de van Gogh

Depuis de nombreuses années, la polémique concernant de faux tableaux de Vincent van Gogh, issus de la collection du docteur Gachet, fait rage. Dans son livre La folie Gachet, Benoit Landais avance de nouveaux éléments accréditant la thèse des faux.

Gachet, une figure emblématique

Peu de gens prirent au sérieux l'avertissement que Vincent van Gogh adressait pourtant à son frère Théo dans une lettre : « Je crois qu'il ne faut aucunement compter sur le docteur Gachet ». Le docteur Paul Gachet ( 1828-1909 ) est une figure connue dans les milieux artistiques. Sa famille, surnommée « amie des peintres », était proche de génies tels que van Gogh, Cézanne et autres peintres impressionnistes. Van Gogh lui a d'ailleurs consacré plusieurs de ses tableaux. À sa mort, le docteur Gachet, dans un élan de générosité, a fait don à plusieurs musées des nombreuses toiles que lui ont offertes ses amis peintres.

Ce personnage amateur d'art espérait certainement que le nom de sa famille resterait dans les « petits papiers » des conservateurs de musées pour la postérité. Mais dommage, docteur, c'était sans compter sur des chercheurs curieux et avides de vérité, comme Benoît Landais.

Pris pour un fou

van gogh

Déjà auteur d'un autre opus, Vincent van Gogh (paru également aux éditions des Impressions Nouvelles), Benoît Landais est un spécialiste de Vincent van Gogh depuis vingt ans. Il clame depuis de nombreuses années que le docteur Gachet n'était qu'un imposteur. Lassés des soupçons pesant sur leur généreux donateur, de nombreux conservateurs ont organisé des  expositions pour réhabiliter celui que l'on calomniait.

Et puis il y a eu ce couple d'acheteurs tranquilles, que l'on devine insouciants sur une brocante et qui font une bonne affaire en achetant un grand miroir. Un grand miroir dans lequel le docteur Gachet s'est certainement regardé plus d'une fois, puisque cet objet de décoration renfermait un portrait, un faux van Gogh qui fait s'écrouler le château de cartes.

Le portrait est celui du docteur Gachet. Les proportions sont maladroites, mais le style rappelle tout de suite celui du peintre à l'oreille coupée. Benoît Landais, dans une dissection minutieuse dans son ouvrage La folie Gachet, paru aux Impressions Nouvelles en janvier, prouve que ce portrait provient de l'atelier de faux du docteur Gachet. Le dessin est bien de van Gogh, mais uniquement par procuration. Le portrait réunit en fait plusieurs pièces d'autres tableaux. Par exemple, les mains du docteur sont reprises du Portrait de Julien Tanguy, datant de 1897. La chemise du docteur est arrachée à l'Autoportrait aux flammèches. Et même la Marguerite Gachet au piano, portrait de la femme du docteur, se retrouve, malgré elle, au second plan du dessin.

 

 © Impressions Nouvelles

La main qui a rassemblé toutes ces pièces n'est autre que celle de Blanche Derousse, élève du docteur Gachet. Douée en dessin, celle-ci suivait les conseils du docteur en matière de création. Pour lui faire plaisir, elle dessine son portrait. Et trahit, malgré sa bonne volonté, la supercherie de la famille Gachet. En produisant son dessin par projection de clichés de tableaux du maître, elle dénonce l'atelier de faux de « l'ami des peintres ». Aujourd'hui, grâce à la superposition du dessin par saisie numérique, il n'y a pas de doute : il s'agit bien de dessins du peintre recopiés par une main maladroite.

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© Impressions Nouvelles

Et maintenant ?

Devant cette preuve formelle que le docteur possédait un atelier de faux, des disciples doués et des techniques de copies, les conservateurs font toujours la sourde oreille. Benoît Landais souhaite que les œuvres attribuées à Vincent van Gogh soient expertisées pour que la vérité soit établie. Au nom de cette vérité, beaucoup d'illusions tomberont, et des remises en question pourraient avoir lieu. Alors pourquoi faire tomber le masque ? Et même s'il ne s'agissait que d'honorer la mémoire et le talent de van Gogh, qui accepterait de reconnaître qu'il a été floué, trompé,et abusé par un homme que l'on disait honnête ?

Décidément, docteur, vous restez un mystère. Même un siècle après votre mort.

Katia Lanero Zamora
Mai 2009

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Katia Lanero Zamora est étudiante en 2e master en Information et Communication, finalité Médiation culturelle et Métiers du livre.


 

Benoît Landais, La folie Gachet, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2009. 16€