Quel avenir pour le nucléaire ?
tchernobyl

Dans l'inconscient collectif, la radioactivité reste associée à certaines peurs souvent irraisonnées. L'accident de Tchernobyl, survenu le 26 avril 1986, a de toute évidence frappé les imaginaires. Les conséquences de cet accident nucléaire sont multiples, terrifiantes et toujours d'actualité. En effet, les retombées radioactives du nuage créé suite à l'explosion du réacteur ont touché un très large périmètre, principalement l'Ukraine et la Biélorussie, mais aussi la Finlande, la Scandinavie, la Pologne, l'Allemagne, la France et l'Italie. Les effets biologiques et génétiques engendrés par les retombées radioactives sont terrifiants et bien connus à Nagasaki et Hiroshima. On peut estimer à une centaine de milliers le nombre de victimes ayant reçu des doses de radioactivité déclenchant des problèmes de santé à vie.

Les conséquences en termes de santé publique restent toutefois difficiles à établir. Il s'avère que le taux de cancers de la thyroïde a considérablement augmenté dans les régions entourant la centrale de Tchernobyl, de même que le nombre de malformations congénitales à la naissance. « Les éléments radioactifs émettent du rayonnement énergétique, explique Thierry Bastin. Si nous y sommes exposés, ce rayonnement est susceptible de détruire certaines de nos cellules. Ceci dit, des cellules meurent dans notre corps chaque jour et pas seulement à cause de la radioactivité. Le problème apparaît lorsque l'on est confronté à une extinction massive de cellules due à un rayonnement ionisant. »

Tchernobyl, le réacteur nucléaire après l'accident, 26/04/1986 

Être exposé à une faible quantité de radioactivité n'est absolument pas dommageable pour la santé. Où que ce soit sur Terre, nous sommes en présence de radioactivité naturelle. Chaque être humain possède en lui des éléments radioactifs, tels que le carbone 14 et le potassium 40. 25 ans après l'incident de Tchernobyl, les éléments rejetés dans l'atmosphère sont retombés à des niveaux proches de la radioactivité naturelle et ne représentent plus, ici et aujourd'hui, de danger pour la santé. À Tokyo, le bain de radioactivité ambiante est monté très légèrement vers les 15 ou 16 mars puis est redescendu.

Sur les 450 réacteurs que compte la planète, cinq ont déjà été détruits : Three Mile Island, Tchernobyl et trois réacteurs à Fukushima. Des centaines de kilomètres carrés disséminés sur la surface du globe sont aujourd'hui inhabitables en raison des produits à haute radioactivité logés dans les terres. Lors des rejets, une kyrielle de produits radioactifs sont émis dans l'atmosphère. « La question est alors la suivante : pendant combien de temps un élément restera-t-il radioactif ?, embraie le physicien nucléaire Thierry Bastin. On caractérise cela par la demi-vie d'un produit, c'est-à-dire le temps au delà duquel la moitié du produit a disparu. Parmi tous les éléments, beaucoup ont de courtes durées de vie, comme l'iode-131 dont la demi-vie est de huit jours. À côté de cela, quelques éléments ont de très longue durée de vie : le césium 137, lui, possède une demi-vie de 30 ans. »

Le sort des combustibles irradiés provenant des centrales fait l'objet de débats passionnés, autant politiques que scientifiques. Que faire des déchets nucléaires ? On appelle combustible irradié les barreaux d'uranium, réunis en assemblages, qui ont séjourné dans le cœur d'une centrale dont dont les réactions nucléaires internes ont produit de la chaleur au cours du temps, pendant lequel une partie de l'uranium a disparu en engendrant du plutonium et des produits de fission particulièrement radiotoxiques. Après un an passé dans les piscines des centrales nucléaires où ils perdent une partie de leur radioactivité, les assemblages irradiés sont conditionnés dans des conteneurs appelés « châteaux » et prennent le chemin de l'usine de retraitement que la Compagnie générale des matières nucléaires (Cogema) a installée à la Hague, en France.

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Usine de retraitement de la Hague

Après divers traitements mécaniques et chimiques exécutés par des machines robotisées, l'uranium, le plutonium et les produits de fission sont séparés. Un combustible irradié contient encore 96 % d'uranium. Le reste est composé de 1 % de plutonium et de 3 % de produits de fission. Le plutonium peut être mélangé à l'uranium et recyclé sous une forme nouvelle de combustible appelée MOX. C'est donc 97 % du combustible irradié qui peut être réutilisé. Les déchets à vie longue représentent un volume de 200 m³ par an. Ils sont d'abord mélangés à du verre en fusion (vitrification) pour qu'ils ne puissent en aucun cas se dissoudre dans l'eau. Ils sont ensuite conditionnés dans des fûts en acier inoxydable que l'on enfouit ensuite sous terre. « Beaucoup de ces fûts sont stockés à la Hague voire récupérées par chaque pays, détaille Thierry Bastin. Il faut les mettre à un endroit où l'on est sûr que la matière ne se disséminera pas en raison des sous-sols peu stables... »

La question du nucléaire est à la fois éminemment technique, complexe et surtout politique. Elle nécessite un débat citoyen transparent, une information de qualité concernant ses enjeux et une maîtrise des peurs liées à cette technologie. Officiellement, la Belgique est toujours dans un programme de sortie progressive du nucléaire, mais la crise politique empêche un débat pouvant déboucher vers une transition énergétique. Les gisements d'uranium – situées sur toute la croûte terrestre, mais surtout au Canada et en Australie – ne seront pas éternels. Paul-Dominique Dumont, physicien nucléaire à l'ULg, table sur l'épuisement total des ressources d'uranium dans... 80 ans. En dix ans, les Allemands ont créé près de 400 000 emplois dans les énergies renouvelables. Il revient aujourd'hui à la Belgique de monter dans « le train allemand », comme le préconise Olivier Deleuze, et miser sur l'innovation : l'éolien, le photovoltaïque, les énergies marines, les courants, l'énergie des vagues, la géothermie sont autant de solutions alternatives auxquelles réfléchir.

 

Reportage vidéo de la WebTV : Quel avenir pour le nucléaire en Belgique ?

 

 

Sébastien Varveris
Juillet 2011

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Sébastien Varveris est journaliste indépendant.

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Thierry Bastin enseigne la physique atomique et la physique quantique à l'ULg. 

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