Le 11 mars, quatre mois après

Ce mois de juin, la palette climatologique en Belgique était bien capricieuse – après des semaines de sécheresse, des jours de pluies violentes avec orages, nous avons maintenant droit à un air chaud et sec qui nous enveloppe. Nous avons eu l'impression d'être mis dans un four. Un étudiant de langue japonaise m'a demandé un jour : « Sensei, fait-il aussi chaud au Japon ? ». S'il savait qu'actuellement au Japon, au plein milieu de la saison de la pluie (qui dure un mois), la température n'est jamais en-dessous de 35 °C et cela, avec 80 % d'humidité, là-bas, on n'est pas dans un four mais dans un hammam ! Et si vous saviez aussi que la population japonaise est invitée cet été par le gouvernement à économiser dès le 1er juillet jusqu'au 22 septembre 15 % de leur consommation d'électricité de 9 heures à 20 heures. Et si vous saviez encore que l'été au Japon sans air conditionné est impensable ! Ou bien, sans doute, cette idée reçue serait également un fruit de la manipulation d'information, genre « On ne peut pas vivre sans l'énergie nucléaire »... est donc venu le temps du défi, et d'une certaine vérité. Reportage sur le Japon quatre mois après la catastrophe.

Retour au pays du soleil chauffant

Début juin, j'ai eu l'occasion de prendre un envol vers l'archipel nippon pour quelques jours. À l'arrivée à l'aéroport de Narita, 9 heures du matin, le Japon est silencieux. L'on sourit, mais n'ose pas éclater de rire. Des chiens bien dressés (probablement pour détecter des drogues) circulent toutes les cinq minutes parmi les passagers qui attendent leurs bagages. Ambiance inquiétante mais personne ne le fait remarquer. On attend silencieusement sa valise.

Cependant, à part cela, je ne percevais pas de signes explicites qui témoignent d'un mal-être des gens – ils sont, comme toujours, pressés, ponctuels et travailleurs. Mon insensibilité à ce sujet était d'ailleurs tout à fait excusable, puisque mon propre corps devait tout d'abord s'adapter au changement complet de température (+10°C) et d'humidité (n'en parlons pas...). J'ai senti mes cellules respirer, s'étendre et s'étirer, et la sueur m'envahissait aussitôt. Venant de Belgique, j'avais une chemise à longues manches et même une veste... À la sortie de l'aéroport, j'ai vite ressemblé à une rescapée qui a couru pendant des jours, sans boire ni dormir. C'était très pénible – et je n'ai pas vu, du coup, de petits mais de réels changements qui traversaient le cœur de mon pays.

Setsuden - économie de l'électricité

Si on est habitué à la faible luminosité dans les couloirs du métro à Bruxelles, ces premiers détails passeront parfaitement inaperçus. En ce qui me concerne, avec la fatigue du voyage, ce n'est que le lendemain que j'ai pu ressentir et constater de mes propres yeux l'impact que le setsuden – « économie de l'électricité » en japonais – a pris dans la vie quotidienne des Japonais.

Par exemple, dans des stations du métro tokyoïte, seulement 1 néon sur 4 est allumé (photo1) ; 1 ascenseur sur deux est opérationnel. Dans des grands magasins, le fameux équipement dans les toilettes, dit « Washlet » (le système de nettoyage avec de l'eau chaude programmé sur la cuvette de WC), est débranché. Toute cette action d'économie est souvent expliquée et justifiée avec une affiche qui dit : « En fonction de ce qui se s'est passé à Tohoku, nous vous remercions de votre compréhension de cette action d'économie d'électricité. » Mes amis japonais qui m'ont accueillie m'ont tous demandé si je n'étais pas triste de cette « obscurité » récemment introduite dans la capitale, et c'est à ce moment-là que j'ai pris conscience que dans le quotidien de mes compatriotes, l'omniprésence de la lumière et de fonctions électriques sont considérées comme quelque chose d'indispensable, tout comme l'air ou l'eau.

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Flexibilité étonnante

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Cependant, en aucun cas, cette volonté d'économiser l'électricité ne donne l'impression d'être vécue comme une corvée, une obligation. Bien au contraire, vu ce qui se passe au Nord du pays, et surtout à Fukushima, il n'y a rien à discuter. C'est une évidence qu'il faut se mettre de couper les lumières dont on n'a pas réellement besoin, qu'on remplace les ampoules habituelles par celles appelées « LED » – qui consomment beaucoup moins –, qu'on révise son plan de consommation d'énergie. D'autant plus que nous avons appris, uniquement après les accidents à la centrale nucléaire de Fukushima, que 70 % d'électricité de Tokyo et ses environs était produite grâce à cette dernière...

Il ne faut pas oublier non plus qu'au jour même du tremblement de terre, sans même que la loi ne soit publiée par le ministère de l'économie, les habitants des régions nord-est du Japon ont spontanément coupé la lumière dans leurs habitats et improvisé, même avec une certaine gaieté, les repas à la chandelle. La sensation d'urgence a renforcé la complicité entre voisins, collègues, habitants et commerçants. Les familles élargies qui habitent séparément ont pu s'entraider en s'envoyant des colis d'objets essentiels, comme des piles, du papier toilette, des boîtes de conserve, etc.

À ce jour, dans des journaux, des magazines, des émissions télévisées et radiophoniques, les informations concernant les manières plus malignes et sympathiques d'économiser l'énergie sont abondantes, et elles sont souvent révélatrices. Aérer plus souvent au lieu de s'enfermer avec l'air conditionné, s'habiller plus légèrement quand on est à la maison, réaliser des stores naturels avec des plantes grimpantes, arroser l'asphalte qui a été chauffée pendant la journée pour créer un pont thermique et avoir de l'air frais, programmer son air conditionné avec un 1°C de plus que d'habitude (cela permet d'économiser 10% de consommation). On voit qu'une petite attention suffit pour rendre notre vie confortable et plus écologique.

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