Martin tom Dieck, Vortex
vortex

Le terme "vortex" connaît de multiples définitions : phénomène physique, tourbillon, lieu permettant le passage vers une autre dimension, transposition graphique de l'infini... Par sa nature instable et polysémique, Vortex est un titre des plus adéquats pour qualifier ce petit livre carré sans bulles où chaque image occupe la totalité de la page ou de la double page.

Avant d'être republié par l'éditeur bruxellois Frémok, l'ouvrage est d'abord paru sous le titre Hundert Ansichten der Speicherstadt (Cent vues de la Speicherstadt), comme en écho aux Cent vues du mont Fuji d'Hokusai. Martin tom Dieck nous entraîne dans une longue déambulation à travers le vaste complexe d'entrepôts du port d'Hambourg, sa ville. Il traduit de façon singulière la majesté frustre des bâtiments industriels, la puissance  visionnaire de ce lieu hors du commun où l'eau s'incarne en une infinité d'avatars graphiques. Le trait et la radicalité de la dialectique entre les noirs et les blancs qui confine parfois à l'abstraction évoquent José Muñoz ou Lorenzo Mattotti mais on pense aussi à la gravure expressionniste ; Emil Nolde, George Grosz ou Frans Masereel ne sont pas loin.

S'il l'on a souvent tendance à voir dans la bande dessinée l'équivalent sous la forme d'images mises en séquence d'une nouvelle ou d'un roman, elle peut tout autant relever de la poésie. Martin tom Dieck démontre avec éloquence qu'elle n'a rien à envier aux autres formes d'expressions quant à sa capacité à véhiculer des émotions. Le récit se joue dans les failles. Déconcertant, tout à la fois ténébreux et lumineux, il ne se laisse jamais enfermer dans un sens définitif et nous renvoie toujours à sa fascinante ambigüité.

Martin tom Dieck, Vortex, éd.FRMK.  

 

Erwin Dejasse
Juin 2011

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