Poches - Nouvelles collections

Le goût des idées

vialatte

Chroniqueur de romans policiers au Nouvel Observateur dans les années 1960, conseiller littéraire successivement au Livre de Poche, aux éditions Champs Libres et chez Christian Bourgois au cours des décennies suivantes, l'avocat Jean-Claude Zylberstein affiche comme principal fait d'arme le développement de la collection de poche 10/18 avec, d'une part, le Domaine étranger, d'autre part, les Grands Détectives. Il y a quelques mois, il a initié une nouvelle collection de livres de poche aux Belles Lettres, Le goût des idées. Une collection haut de gamme qui permet de relire des textes anciens méconnus ou épuisés.

À Kafka, dont il fut le premier traducteur en français, Alexandre Vialatte (1901-1971) a consacré plusieurs textes et chroniques qui, pour la première fois, sont réunis sous le sobre titre de Mon Kafka. Le journaliste et écrivain auvergnat y raconte notamment sa découverte de l'écrivain qu'il a traduit par la lecture du Château lors d'un séjour en Allemagne. Il commente sa longue cohabitation avec un auteur qu'il qualifie d'immatériel car « théoriquement » absent de son œuvre où les personnages centraux ne sont désignés que « par de vagues prénoms ou même par une initiale ». Ces textes sont d'autant plus intéressants qu'ils permettent de se rendre compte comment était vu et perçu Kafka avant qu'il ne devienne la référence que l'on sait.

maugham

 

Parmi les autres titres parus, citons Un livre à soi, compilation d'écrits autobiographiques souvent inédits de Fitzgerald, L'humeur passagère, textes divers de Somerset Maugham, dont des réflexions sur le roman policier et sur la nouvelles, ou encore deux essais de haute tenue, Essais sceptiques de Bertrand Russel et Les Somnambules, «Essai sur l'histoire des conceptions de l'Univers», d'Arthur Koestler. (Les Belles Lettres)

 

 

 

Point Deux

reeves
Proust Vous les avez peut-être déjà vus dans les librairies, ce sont des livres compacts d'un tout petit format à l'italienne qui se lisent donc non plus verticalement mais horizontalement. Ils présentent comme avantage, outre leur maniabilité, de pouvoir, grâce à leur encombrement minimal, être transportés partout, tout en conservant une totale lisibilité. Cette collection créée au printemps dernier compte actuellement une vingtaine de titres puisant dans différents domaines : le roman (Des vents contraires d'Olivier Adam, La Route de Cormac McCarthy), le polar (La Cité des Jarres  d'Arnaldur Indridason, Mort à la Fenice de Dona Leon, Tout est sous contrôle de Hugh Laurie), l'humour (Chroniques de la haine ordinaire de Pierre Desproges), l'essai (Poussières d'étoiles d'Hubert Reeves) et même Le Nouveau Testament. Mais l'ouvrage le plus surprenant est celui de Marcel Proust, Du côté de chez Swann. Le plus enthousiasmant, aussi, on peut ainsi le conserver en poche et régulièrement en relire des passages. (Éditions Point Deux)
 indridason-jarres  OlivierAdam

Les affranchis

 NicolasdEstiennedOrves  AnnieErnaux  BrunoTessarech

Si le format est celui d'un livre de poche – un peu plus haut et étroit néanmoins –, de même que le prix – 7 € –, les textes sont, eux, inédits. Le concept est celui d'une lettre, un peu sur le modèle de la Lettre au père de Kafka, la violence en moins, peut-être, moins désespérée aussi, sans doute. Les trois premiers textes ont fière tenue. Annie Ernaux s'adresse à sa sœur décédée en 1938, deux ans avant sa naissance. « Tu es entrée morte dans ma vie l'été de mes dix ans », constate avec beaucoup de retenue l'auteur de Passion simple. Nicolas d'Estienne d'Orves, qui avoue dans l'avant-propos avoir cherché à qui écrire, a fini par choisir celui qui, pendant presque trente, fut son « ami » avant de disparaître. Celui avec qui il a grandi, avec qui il passé vingt années « fabuleuses », sans s'en rendre compte. Jusqu'à leur ultime conversation, en novembre 2006, quelque mois avant sa mort. Un vraiment beau texte, comme Vincennes, de Bruno Tessarech. L'auteur des Sentinelles écrit à un certain « camarade » rencontré au début des années 70, avec qui il a milité à l'extrême-gauche et envers qui il avoue avoir « voué une passion empêtrée et inquiète qui, une fois disparue, n'a généré que du regret ». On apprend bientôt qu'il s'agit de l'université de Vincennes, « centre universitaire expérimental » créé dans la foulée de Mai 68 et où enseignèrent Hélène Cixous, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard et Michel Foucault. Un précieux témoignage historique.