Liliana Lazar, Terre des affranchis

Née en 1972 en Moldavie roumaine, Liliana Lazar est arrivée en France en 1996 et écrit en français. Ce premier roman, couronné par le Prix Première, se déroule dans sa région natale. Un jeune homme, meurtrier accidentel de la fille dont il était épris mais qui le repoussait, est caché par sa mère et sa sœur dans leur maison à l'écart du village. Sous la dictature de Ceausescu, l'Église est persécutée, le parti n'ordonnant que les «pires séminaristes» et détruisant les livres religieux. En secret, le reclus va se mettre à patiemment recopier ces ouvrages saints à la main. Tout en redoutant la visite de la police toujours à la recherche de l'assassin. Magnifique reconstruction d'un monde basé sur la terreur à travers l'histoire de ce personnage dépassé par ce qui lui arrive. (Babel)

Haruki Murakami, Autoportrait de l'auteur en coureur de fond

L'écrivain nippon nobélisable Haruki Murakami met en parallèle la pratique quotidienne de la course à laquelle il s'adonne depuis 1982 et l'écriture qui sont, l'une et l'autre, autant physiques que mentales. Tout en commentant différentes courses effectuées au cours de ces années, il raconte que c'est après avoir tenu huit ans un café-club de jazz à Tokyo que, lors d'un match de base-ball, il a été pris d'un désir irrépressible d'écrire un roman. Et il est persuadé que, si la qualité première d'un écrivain est le talent, il en est deux autres fondamentales qui, elles, peuvent «s'acquérir et s'affûter avec de l'exercice» et qui sont également propres à la course : la concentration et la persévérance. (10/18, traduction Hélène Morita)

Tobie Nathan, Qui a tué Arlozoroff ?

Haïm Arlozoroff, un leader sioniste de gauche qui aurait pu devenir le premier chef de l'État d'Israël, a été abattu dans la nuit du 16 juin 1933. On ne connaît toujours pas aujourd'hui l'identité de l'assassin. C'est autour de cette énigme que le psychanalyste Tobie Nathan a construit son roman dont l'une des héroïnes est Magda Goebbels qui, avant d'être la femme du responsable de la propagande nazie, fut longtemps avant, la maîtresse d'Arlozoroff. Un autre fil conducteur de cette histoire est une enquête menée par un journaliste français, juif d'origine égyptienne sur le meurtre d'un ex-espion israélien pendant la Guerre froide perpétré à l'ambassade de France. Un livre foisonnant et intrigant à plus d'un titre. (Points)

Grégoire Polet, Chucho

Barcelone possède derrière ses belles rues et ses richesses architecturales des quartiers nettement moins reluisants. C'est dans l'un d'eux que s'écoulent les vingt-quatre heures de ce bref roman du Belge Grégoire Polet. Chucho, onze ans, vit tantôt chez une ancienne prostituée, tantôt chez un proxénète, tout en allant à l'école. Intelligent et réfléchi, il rêve de quitter cette misère. Il croit l'occasion venue grâce à un riche touriste allemand pour lequel il a servi d'intermédiaire avec une prostituée. Mais la vie n'est pas un conte de fées. Ce roman alerte, finement dialogué, non dénué d'humour, s'intéresse à ceux qui sont nés du mauvais côté de la barrière et rêvent d'un nouveau destin. (Folio)

David Scheinert, Le Flamand aux longues oreilles

Formidable découverte que ce Prix Rossel 1961 signé par un écrivain belge d'origine polonaise mort il y a quinze ans à 80 ans et fort oublié aujourd'hui. Son héros, Pier Klok, un grand naïf chassé du village wallon où il vivait après avoir joué à la flûte une chanson à boire pendant un enterrement, retourne dans sa Flandre natale. Il trouve asile dans un village dont les habitants n'ont pas le temps de se demander s'ils doivent garder ou chasser celui qu'ils nomment «le dingue» car surviennent des Casqués. Qui, après l'assassinat de l'un d'entre eux, menacent de détruire la petite ville. Humour et tragique se côtoient dans ce conte philosophique qui est à la fois une critique sociale et une réflexion sur la guerre et l'occupation. (Espace Nord)

Akli Tadjer, Il était une fois... peut-être pas

Mohamed se sent seul à Paris depuis que sa fille unique suit des études à Toulon. Pour se consoler, il raconte à un chat en peluche et à une poupée blonde l'histoire de ses ancêtres algériens jadis contée à celle qu'il n'aurait jamais imaginée loin de lui. Et qui revient lui présenter son amoureux, Gaston, un brave «gus» décidé à trouver du travail à Paris, avant de retourner sur les bords de la Méditerranée où elle s'amourache d'un jeune imam qui la convertit à Allah et à ses œuvres. Une étrange cohabitation s'installe dès lors entre les deux délaissés. Un roman délicieux, riche de mille et une saillies humoristiques et fourmillant de personnages secondaires savoureux. (Pocket)

Valérie Zenatti, Les âmes sœurs

Emmanuelle est mariée et mère de trois enfants, et parfois cela lui pèse. Lila, l'héroïne du roman qu'elle dévore, est célibataire, connaît des aventures sans suite, et parfois ça lui pèse aussi. Souvent, Emmanuelle en a assez de la routine. Le contraire de Lila la photographe qui a gagné de l'argent, en a hérité de ses parents décédés, et se sent libre d'aller et venir où elle veut, son appareil en bandoulière. Ces deux femmes sont l'une et l'autre hantées par une mort. Celle d'Héloïse, la meilleure amie de la première, dont l'existence était à ses yeux «si désirable». Celle de Malik, le petit copain d'origine algérienne de la seconde, qui est juive. De ce roman mélancolique, écrit avec fluidité et émotion, émerge un vrai charme. (Points)