Extraordinaire Morin qui, à la veille de ses nonante ans (il est né le 8 juillet 1921), possède suffisamment de recul pour nous proposer sa vision d'un monde qui s'emballe, s'écartèle. Il dresse un diagnostic et propose diverses médications pour redresser le gouvernail de cette nef des fous. Projet encyclopédique, démesuré, voire impossible. Ce qui étonne le lecteur, c'est la capacité du sociologue à synthétiser une problématique, à la relier aux autres et à indiquer les voies pour modifier les déséquilibres mondiaux. Il n'y a pas de solutions toutes faites mais un ensemble de microprocessus complexes qui réunit les contraires
: croissance et décroissance, mondialisation et développement d'économies locales, centralisation et régionalisation. Bien sûr, le propos agacera certains spécialistes dans tel ou tel domaine par sa hauteur de vue et peut-être son imprécision. Mais le livre ne peut éviter cet écueil
: il aborde tous les domaines, de l'écologie aux technologies nouvelles, en proposant une réflexion sur des thèmes aussi divers que la famille, le féminisme, l'adolescence, l'éducation, le développement urbain, l'agriculture, l'alimentation, la médecine, la consommation et même la solitude et la mort.
Le titre est trompeur, car la réalité décrite par Morin est complexe et les solutions sont plurielles. L'éditeur aurait été mieux inspiré en choisissant celui de l'avant-propos, Sparsa colligo, « Je réunis le dispersé ». Merveilleux traité de résistance, à l'instar de celui écrit par son ami Stéphane Hessel, qui est encore plus d'actualité après le printemps arabe et la catastrophe de Fukushima, événements intervenus après l'écriture de l'essai.
Alain Dantinne
Juin 2011
La Voie. Pour l'avenir de l'humanité, Edgar Morin, essai, Fayard, 306 pages.
