
On ne présente plus Cosey et son héros Jonathan, dont la plupart des aventures ont pour cadre le Tibet occupé par la Chine. Poutant, à cette série devenue culte, je préfère les histoires isolées et en particulier la dernière, intitulée Le Bouddha d'Azur, vrai roman graphique d'une bonne centaine de pages. Roman ? Le terme est réducteur. L'histoire de "Porridge", jeune anglais de l'Inde post-coloniale, et de Lhal, jeune Tibétaine, cinquième réincarnation de la mystique qui découvrit le Bouddha d'Azur, tient plutôt du conte de fée, trop fascinant pour être résumé ici.
Mais le véritable héros de cette oeuvre n'est-il pas le Tibet ? Cosey prend dignement son rang dans la suite des auteurs qui, depuis Alexandra David-Néel en passant par Hergé, sont tombés sous le charme de ce pays et nous font partager leur émerveillement. Cosey n'a pas à choisir dans son dessin entre le réalisme et la poésie ; chez lui, la minutie, la fidélité quasi photographique au modèle ne tue pas la poésie : elle l'exalte. L'auteur est un raconteur d'histoire, mais il est aussi artiste. Et ethnologue. Et qui d'autre que Cosey pouvait ainsi allier, dans un même ouvrage, la tendresse délicate au militantisme le plus ferme ? La fin du récit, un peu invraisemblable, est heureuse pour les deux héros, mais la conclusion est clairement "Po rinzen" : vive le Tibet libre !
Pascal Gribomont
Juin 2011