Jacques Abeille - Les Jardins statuaires
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Écrit dans les années 70 (et bien typique de cette période, où le roman pouvait se teindre d'un certain surréalisme tout entier orienté vers l'imaginaire), ce roman semi-maudit a connu un parcours éditorial chaotique et malheureux. Sa réédition l'année dernière fut un événement ; sa lecture est une véritable expérience de littérature.

Le narrateur décrit dans un journal au quotidien une contrée non située (ni dans l'espace ni dans le temps) dont l'activité unique est la culture de statues gigantesques qui se développent de la terre comme de véritable plantes. On se laisse prendre à la longue description des mœurs et principes politiques de ce peuple, ainsi que de la façon dont se cultivent les statues. Tous les ingrédients d'un récit d'utopie sont réunis, y compris l'intrigue qui sert de fil conducteur, avec un suspense latent et croissant. L'amitié tient autant de place que l'amour dans ce qui se présente comme la visée morale sous-jacente du roman, mais c'est la menace qui pèse sur toute civilisation sur tout monde clos, qui donne à sa seconde partie toute sa lente dynamique, où, comme dans Le Rivage des Syrtes de Gracq ou Le Désert des Tartares, des hordes se profilent au-delà des frontières pour incarner le destin.

Le livre est épais, le récit parfois quasi statique, mais, pour peu qu'on aime la pure littérature servie par une langue de grande qualité, c'est dans cette lenteur même que l'on trouvera son plaisir.

Gérald Purnelle
Juin 2011

Jacques Abeille, Les Jardins statuaires, Attila.