Richard Brautigan (1935-1984) est un des écrivains les plus libres qui soient, dans tous les sens du terme. Proche des poètes Beat, il a composé une œuvre atypique : certains de ses romans explorent et font éclater un genre classique (western, roman policier, roman gothique). Son dernier roman, Mémoires sauvés du vent, est un des plus beaux qui soient. Le narrateur se souvient d'un épisode tragique de son enfance, mais ne l'évoque que progressivement, par la reprise en spirale des mêmes éléments, par retours répétés aux événements qui nous amènent à ce qui ne serait pas arrivé si ce jour-là il avait acheté un hamburger au lieu de balles pour son fusil. Ici, la fantaisie déjantée de la plupart des livres de Brautigan fait place à une sourde et grave mélancolie, suggérée par la poétique beauté de ses phrases simples et profondes. Un chef-d'œuvre de construction romanesque !


À lire aussi : L'Avortement, roman plus ancien, où se mêlent tendresse et fantaisie. Le narrateur devient le responsable d'une bibliothèque perdue en Californie, où chacun peut apporter ses manuscrits de livres non publiés. Il fait la connaissance de « la plus belle fille du monde », que cette beauté rend complexée. L'amour du narrateur saura l'en guérir, et résoudre le délicat problème annoncé par le titre. Dans ce roman, rien n'est tragique, à commencer par la sexualité, et la fantaisie colore tout.
Et pour faire bonne mesure, lisez ensuite Un privé à Babylone, parodie de roman noir, où un détective privé post-chandlérien a de régulières absences mentales où il se voit vivre dans la Babylone antique. Je recommande la scène de la morgue : on rit tout haut ! Tout le reste séduit.
Gérald Purnelle
Juin 2011