À l'instar des Indiens Bororos, l'homo occidentalis aime offrir. Alain Bertrand, lui, adore traquer nos us et coutumes, nos menues hypocrisies. Il relève quantité d'objets pouvant faire office de don : des fleurs apportées par des maris repentants à l'épilateur, en dénichant au passage dans l'arrière-boutique de notre société globalisée un pèse-personne (qui pèse assurément quelqu'un), un ravier d'olives, une hostie, le point G, un pot de confiture ou une rencontre, Belgique oblige, avec un Flamand. Chaque don a son destinataire et parmi ceux-ci, les plus inattendus. Si la maîtresse est un classique du genre, le présentateur du vingt heures, le banquier ou l'huissier de justice ne peuvent qu'étonner. Quant au Très Saint-Père mérite-t-il, en ces temps bousculés, de recevoir l'offrande de ses ouailles déboussolées ? Bien sûr, puisque l'auteur prend soin de nous rappeler que « la mystique est une variante de l'hystérie ».

Je ne suis pas un cadeau est donc un petit bijou de finesse et de style, comme tous les livres de l'auteur. Une trentaine de textes qui croquent au scalpel une de nos névroses les plus répandues : l'obligation d'offrir. Si vous ne connaissez pas encore cet écrivain, arrangez-vous pour que l'on vous offre ce livre avant votre départ en vacances. C'est assurément plus agréable à lire que du Bourdieu, et cela vous donnera l'occasion, peut-être, de faire des économies. La prochaine fois que vous devrez faire un cadeau !

Alain Dantinne
Juin 2011