Ce roman contemporain (publié en 2008) s'inscrit dans un courant relativement récent d'affirmation des cultures autochtones. L'auteur revendique son ascendance cri (ou cree, comme s'écrit parfois, à l'anglaise, le nom de son peuple et de sa langue), même si elle n'est que ténue et lointaine, et entreprend de faire découvrir cette culture malmenée. Son premier roman – Three Day Road, en français, Le Chemin des âmes – présente le retour d'un tout jeune soldat, Xavier Bird, amputé d'une jambe pendant la Première Guerre mondiale. Dans son délire, alors que sa tante le ramène chez lui en canot, il revit la double épreuve de la tuerie en Europe où son ami est devenu un monstre assoiffé de sang. Ce second roman est situé deux voire trois générations plus tard. Comme le premier, il combine deux fils narratifs, celui de l'oncle dans le coma et de la nièce partie dans les grandes villes au sud – Toronto, Montréal, New York –, où, presque par hasard, elle va retrouver la trace de sa jolie sœur mannequin. Ce sont deux récits d'expérience, de maturation, de découverte de soi et de sa place auprès des autres ; pour le lecteur, c'est un patient assemblage de pièces qui permettent de comprendre ce passé révélé par petites touches. L'influence dévastatrice de l'alcool et des drogues n'est pas occultée, mais l'héroïne retrouve les gestes simples de la chasse aux collets et y initie celui qui est d'abord son protecteur et devient son compagnon. La structure temporelle est complexe, mais le récit principal, dédoublé, va des jours les plus courts et les plus froids, fin janvier, au solstice d'été, et c'est bien en accord avec un message de lumière par delà des sapins menaçants.
Christine Pagnoulle
Juin 2011
