Les « nouvelles technologies » d'il y a 200 000 ans
Conjointement à la fin de la modernisation anatomique, vers 200 000 ans, une technologie nouvelle apparaît, typique du Paléolithique moyen. Il s'agit de produire des éclats dont la forme est prédeterminée grâce à une préparation très soignée d'un bloc de pierre (le nucléus). En Europe, la forme la plus connue de cette technique est appelée « débitage Levallois » et est associée à l'homme de Neandertal (espèce humaine exclusive à l'Europe). Le plus passionnant, c'est que nous nous trouvons ici face à une convergence des technologies : à des milliers de kilomètres de distance, des humains ont fabriqué des outils grâce à un même procédé technique, sans qu'il y ait apparemment eu de contact entre ces différentes populations.

En complément de ces nouveautés, les anciennes traditions persistent. Dans ce « panel » de technologies, les hommes sélectionnent alors la technique de fabrication la mieux adaptée aux matières premières qu'ils peuvent trouver. Cela démontre une nouvelle fois la formidable adaptabilité de l'esprit humain.
Autre élément étonnant : au Paléolithique supérieur (vers 40 000 ans), les technologies s'orientent vers la production d'outils façonnés sur des lames (et non plus des éclats), tout comme en Europe, encore une fois. Elles permettent le travail de nouveaux matériaux, tels l'os ou le bois animal. Les lamelles sont quant à elles utilisées comme armatures de flèches, tandis que l'art fait son apparition, sous la forme de petites statuettes féminines ou zoomorphes.
Fin des chasseurs et début de l'agriculture
À partir de 14 000 ans environ et en parallèle à l'amélioration climatique de l'Holocène, les populations vont peu à peu modifier leurs modes de vie. Les derniers chasseurs s'installent le long des cours d'eau et des côtes, faisant de la pêche l'un de leurs principaux modes de subsistance. La chasse à l'arc, particulièrement efficace dans ces milieux boisés, se généralise. C'est aussi à ce moment qu'apparaissent, au nord de la Chine, en Corée et au Japon, les premières céramiques.
La culture la mieux connue du Mésolithique, comme l'on nomme cette période de transition entre le Paléolithique (temps des chasseurs) et le Néolithique (temps des agriculteurs), est la culture Jōmon. Répartie sur le Japon, la Corée et la côte sibérienne, la culture Jōmon est caractérisée par de grands vases portant des décors géométriques ou fantastiques.

Mais dans la majeure partie de la Chine, les traditions prédatrices vont rapidement laisser la place à la sédentarisation et l'agriculture, et ce dès 9000 ans. Une fois les changements enclenchés, ils vont se propager dans toute l'Asie extrême-orientale et du sud-est, colonisant les aires des derniers chasseurs mésolithiques. Ceux-ci finiront par être être absorbés dans ces nouvelles cultures, à l'exception des Aïnous de l'île d'Hokkaido, qui, jusqu'il y a encore quelques décennies, vivaient exactement comme leurs ancêtres d'il y a 10 000 ans. Ailleurs, une fois le Néolithique établi, les premières dynasties se mettront en place et persisteront jusqu'à aujourd'hui.

Un groupe d'Aïnous, les derniers chasseurs mésolithiques sur l'île d'Hokkaido, en 1904
Out of Africa, out of Asia ?
L'Asie extrême-orientale, on le voit, est une région extrêmement riche en traces du passé ancien de l'humanité. Toutes les différentes étapes de l'évolution humaine y sont représentées, depuis les premiers primates jusqu'aux dynasties récentes. Elle représente donc un terrain d'étude privilégié pour les chercheurs, qui s'y sont pressés depuis le 19e siècle.
La Chine et ses régions limitrophes sont également le lieu de nombreuses polémiques scientifiques, notamment à propos des origines du peuplement humain. L'Homo erectus chinois provient-il d'une évolution locale, à partir des primates endémiques ou est-il issu d'une migration d'hominidés issus d'Afrique ? Mais les mouvements de populations ultérieurs posent aussi question. Il est en effet possible que les Homo sapiens d'Europe soient originaires non pas d'Afrique mais bien d'Asie (extrême-)orientale. Alors, out of Africa ou out of Asia ? De nombreuses années de recherche et de découvertes attendent encore les archéologues...
Élise Delaunois
Mars 2011

Diplômée en Histoire de l'Art et Archéologie à l'ULg, Élise Delaunois est spécialisée en archéologie préhistorique et consacre ses recherches au Paléolithique moyen.
Pour en savoir plus

M. Otte, « La Préhistoire de la Chine et de l'Extrême-Orient », éd. Errances : le nouvel ouvrage de Marcel Otte, professeur de Préhistoire à l'ULg, est une excellente synthèse, sur laquelle est fondé cet article. Riche en illustrations, il permet de se faire une idée précise de la préhistoire de la région ainsi que des principaux axes de la recherche en la matière. Une bibliographie très complète achève l'ouvrage et permettra au lecteur d'approfondir certains aspects du sujet.