
Une guerre personnelle est une création de la metteuse en scène russe Tatiana Frolova. Ce spectacle, tiré du roman La couleur de la guerre écrit par Arkadi Babtchenko, relate l'horreur et la misère de la guerre qui s'est déroulée en Tchéchénie durant les années 90.
Suite à la disparition de l'URSS, Djokhar Doudaïdev, le président Tchéchéne décide d'affirmer l'indépendance de son pays. Cela se passe en 1991. Le chef d'état russe, Boris Eltsine, laisse faire, mais les relations entre les deux États sont tendues et en décembre 1994, l'armée russe se lance à l'assaut de la République séparatiste tchéchène. Commence alors la première guerre qui durera vingt et un mois et fera de nombreuses victimes parmi les civils. La Russie subit une défaite humiliante et décide de signer un pacte de paix en 1996. Mais en 1999, Moscou est victime d'attentats. La Russie ne voit qu'un seul coupable : le peuple tchéchène. Ainsi, le 1er octobre 1999 débute la seconde guerre. Le 6 février 2000, la capitale de la Tchéchénie, Grozny, tombe aux mains des Russes. C'est cette date qui marque la fin de la seconde guerre. Cependant, des groupes anti-terroristes tchéchènes persistent jusqu'au 16 avril 2009. Le bilan de ces deux guerres est estimé entre 100 000 et 300 000 morts.
Si le fond de Une guerre personnelle est le conflit en Tchéchénie, ce n'est pas de la grande histoire que parle la pièce. En effet, le spectacle de Tatiana Frolova est tiré du livre La couleur de la guerre écrit par Arkadi Babtchenko. Promis à un bel avenir d'avocat, Babtchenko, agé de 18 ans, doit laisser tomber ses rêves d'avenir pour s'engager dans l'armée. Après un entraînement de six mois, il est envoyé au front en Tchéchénie. Là-bas, il connaît l'horreur, la misère, la torture, l'humiliation, la faim et le froid. En 1998, il rentre d'urgence à Moscou pour le décès de son père et y reprend ses études mais lorsque la deuxième guerre éclate, il repart volontairement au front. Pour expliquer cette décision, il déclare: «Je n'étais jamais vraiment revenu. Mon corps était là mais mes pensées et mon bien-être étaient retenus en Tchéchénie. C'était comme de la folie. En plus, le monde dans lequel j'étais revenu ne m'a pas accepté, et je ne l'ai pas supporté. La deuxième fois, je me suis senti libéré: c'est comme si j'avais dû y retourner pour compléter une partie de ma vie.» Après son retour, pour se «purifier» mais aussi pour rendre hommage aux soldats vétérans, Arkadi Babtchenko met son expérience par écrit. Cela donnera lieu à un recueil de treize nouvelles publiées sous le titre La couleur de la guerre.

Quand le spectacle commence, une jeune femme qui étale des chemises blanches sur la scène. Ensuite, elle les recouvre de terre pour rappeler les nombreux morts de la guerre. En même temps, sur un écran situé au milieu de la scène, sont projetées des photos de soldats russes. Deux autres écrans, utilisés pour les surtitres sont placés sur les côtés.
Une caméra filme le visage des comédiens. Cela donne une impression de témoignage lorsque les comédiens parlent puisqu'ils s'adressent à la caméra. De plus, cela rapproche le spectateur de l'acteur puisque le visage est vu en gros plan. Le comédien n'est donc pas obligé de sur-jouer ou d'être trop expressif.

Durant tout le spectacle, le bruit de la pluie résonne dans la salle et les comédiens rampent dans la terre qui recouvre les chemises. Cette image est très symbolique car elle montre à la fois les soldats obligés de rester dans le froid et la boue mais aussi les soldats qui piétinent les victimes de la guerre. Victimes qui peuvent être des camarades. La terre est à la fois imbibée d'eau de pluie mais aussi du sang de soldats. La scène est éclairée par une lumière bleue, froide. L'ambiance générale du spectacle fait ressentir le froid, la faim et la peur.
Le but de Babtchenko était de raconter son histoire et non de dénoncer ou de juger. Tout comme l'auteur, les comédiens gardent un ton neutre, lorsqu'ils récitent des passages de l'ouvrage. Il ne s'agit pas d'accuser mais de faire prendre conscience des horreurs de la guerre.
Bien que très lent, Une guerre personnelle finit par entraîner le spectateur et par le toucher, l'émouvoir. Le texte, soutenu par une mise en scène poétique, tire des larmes au public. Il s'agit d'un témoignage sur la guerre en Tchéchénie mais aussi sur toutes les autres guerres qui ont eu lieu ou ont encore lieu dans le monde. Loin de vouloir dénoncer, le spectacle explique, montre et relate ce qu'ont subi les soldats russes : la misère, la mort, la faim, le froid, la corruption et la toture tant par les ennemis que par les soldats du même camp. C'est d'une manière assez convaincante que Tatiana Frolova relève le défi de mettre en scène le livre témoignage de Babtchenko.
Aline Lourtie
Mars 2011

Aline Lourtie est étudiante en 1re année de master en Arts du spectacle