Cette année, le Festival de Liège s'est clôturé avec le nouveau spectacle tant attendu de Jacques Delcuvellerie : Dirty Week-end, inspiré du roman d'Helen Zahavi. Grosse déception.

La scène est quasiment vide : un fauteuil, une table, une lampe prolongent un cube qui tient lieu de cuisine, au début de la pièce. C'est une boîte sur roues, tantôt représentant le sous-sol où habite Bella, tantôt, retourné, la porte d'un ascenseur, la porte d'une salle de bain d'hôtel ou encore un mur sur la plage. Cet élément du décor est toujours présent sur scène même si rien ne se joue à l'intérieur. En fond de scène, un écran sur lequel sont projetées des images qui représentent ce que voit Bella ou ce que voit l'homme dont on parle.
Quatre jeunes femmes sont assises devant des coiffeuses, sur les côtés de la scène, de profil par rapport au public. Au milieu et à l'avant-scène, un vieux magnétophone dont émane une voix éraillée de femme : « Voici l'histoire de Bella qui se réveilla un matin et s'aperçut qu'elle n'en pouvait plus...». La voix off prend beaucoup de place durant le spectacle car c'est elle qui raconte l'histoire. La plupart du temps, les comédiennes illustrent simplement ses propos.

La pièce est divisée en quatre parties, quatre morceaux de la vie de Bella. Tout commence lorsque la jeune femme, fragile et vulnérable, se rend compte qu'un homme l'observe par sa fenêtre. Ensuite, elle reçoit des coups de téléphone obscènes et menaçants de la part de ce voisin, qui la harcèle. Effrayée, Bella se terre de plus en plus dans son appartement. Finalement, épuisée, à bout de nerfs, elle décide de se venger. C'est à ce moment-là que naît la Bella froide et tueuse, qui commence ce terrible week end par le meurtre – violent – de ce voisin. Après ce premier meurtre, Bella devient une sorte de femme fatale : Les comédiennes s'habillent de rouge et dansent de manière provocante. Le spectateur a l'impression qu'elle veut séduire les hommes pour pouvoir s'en venger par la suite. Les trois autres histoires de ce même week end ont un déroulement similaire : Bella se fait aborder par un homme, cela ne se passe pas comme elle le voudrait et elle le tue.
En choississant quatre comédiennes pour interpréter Bella – une pour chaque meurtre – , Jacques Delcuvellerie désire montrer à la fois plusieurs visages d'une même femme, voire représenter l'ensemble des femmes. D'ailleurs, à la fin du spectacle, la voix off met les hommes en garde, en affirmant qu'en chaque femme, sommeille une Bella. Bella serait la part noire, meutrière, vengeresse de chacune. Le personnage de Bella est à la fois fragile et vulnérable mais aussi sensuelle et cruelle.
Les quatre comédiennes interprètent également les rôles des hommes que rencontre Bella. Peut-être est-ce pour renforcer cette idée d'une part de violence enfuie en chaque femme. Le résultat n'est malheureusement pas très convaincant. Pas plus que les images projetées sur l'écran, censées créer une ambiance angoissante, puis violente.

Ce sont aussi les comédiennes qui jouent les accessoiristes et font tourner le cube pour changer le décor à chaque nouvelle scène. On peut voir ça comme une manière de placer le public à distance et de lui rappeler que ce qu'il voit est une pièce. Cela permet aussi de bien marquer le changement notamment de l'actrice qui interprète Bella.
Ce spectacle aborde un propos très présent dans notre société actuelle et cependant encore fort impuni et méconnu: la violence sur les femmes. D'après une étude menée par Amnesty International, une femme sur trois a déjà reçu des coups ou subi des relations sexuelles imposées ou des mauvais traitements. . Les agressions que subissent certaines femmes peuvent les entraîner dans la dépression, les amener vers la folie ou le suicide voire (comme dans la pièce) vers un désir de vengeance et de haine. C'est un sujet qui touche, qui révolte. Cependant, la mise en scène démolit le propos. En effet, le spectacle est trop long – plus de trois heures – (Delcuvellerie apprécie les spectacles de longue durée) et surtout redondant. On comprend vite le principe du récit, qui tourne rapidement en rond. Il y a peu de nouveautés entre ces différentes histoires, peu d'originalités dans la mise en scène. L'ennui et la lassitude gagnent vite le public. Cela finit par réduire le propos, à le banaliser, à le rendre inintéressant. Le spectacle de Delcuvellerie, tant attendu au Festival de Liège, est donc une déception.
Aline Lourtie
Mars 2011

Aline Lourtie est étudiante en 1re année de master en Arts du spectacle
Photos © Lou Hérion