Partout dans le monde
C'est, en effet, sur le continent africain qu'il y a le plus de pays concernés par les MGF. Dans les années 90, 28 pays pratiquent les mutilations sexuelles féminines ; ce qui ne signifie pas que l'ensemble de la population y souscrit. Cela dépend des régions et surtout des ethnies. D'autre part, les classes sociales, les degrés de scolarisation, les contacts avec d'autres modèles que le modèle traditionnel, influencent la continuation de ces pratiques. Les rencontres, la mixité des genres et les générations d'appartenance déterminent également le recours à ces pratiques. D'autre part, si dans certains pays les villes sont plus « contaminées » par l'abandon de ces pratiques que les villages ou les postes les plus reculés, dans d'autres au contraire, les pratiques urbaines augmentent. En apparence, moins il y a de contacts égalitaires au sein des populations, plus ceux qui sont infériorisés perpétuent les traditions les plus marquantes. De même, plus on est dans une société traditionnelle, plus les traditions sont maintenues. Pourtant, certains groupes hautement scolarisés revendiquent ou perpétuent, parfois à l'âge adulte, ces pratiques qui pourraient leur sembler atroces et obsolètes. De même, dans certains cas, les contacts avec l'étranger différent renforcent les pratiques particulières comme signes d'appartenance à son propre système, en résistance à la contamination/modélisation ou par crainte d'une acculturation involontaire à l'autre.
Les pourcentages de femmes excisées varient énormément d'un pays à l'autre, probablement selon que cela soit une pratique ancestrale propre au pays concerné ou que cette pratique appartienne à des ethnies qui ont essaimé, se sont agrandies au-delà des frontières, ou ont immigré. C'est ainsi que les MGF se sont installées en Europe notamment et se développent au sein-même de pays qui défendent les droits de l'Homme et les droits des Enfants, l'intégrité des individus et les violences sur les êtres humains.
Les pays pratiquants sont classés de manières diverses parmi lesquelles le classement suivant repris par la source Afrik.com:
- plus de 85% de la population féminine est excisée : Djibouti, Égypte, Éthiopie, Érythrée, Guinée, Mali, Sierra Leone, Somalie, Soudan. On peut donc considérer que ces pays sont/étaient des pays pratiquants.
- de 25% à 85% de la population est excisée : Burkina Faso, Centrafrique, Côte d'Ivoire, Gambie, Guinée-Bissau, Kenya, Liberia, Mauritanie, Sénégal, Tchad. Plus on s'approche du 85%, plus on est dans un pays pratiquant, plus on s'approche du 25%, plus il s'agit d'ethnies pratiquantes.
- moins de 25% de la population féminine est excisée : Bénin, Cameroun, Ghana, Niger, Nigeria, Ouganda, République démocratique du Congo, Tanzanie, Togo. Plus on s'approche des 25%, plus il s'agit d'ethnies installées, plus on s'éloigne des 25%, plus on est en présence de pratiques ethniques occasionnelles et exceptionnelles dans des pays non pratiquants.
Auxquels il faut ajouter les continents asiatique, australien et américains, soit 7 pays et des Émirats.
En Asie, quelques pays pratiquent l'excision. Il s'agit du Yémen, des Émirats arabes, du Sultanat d'Oman, de la Malaisie, toutefois les diverses sources donnent peu de détails sur les pourcentages et les informations divergent sur les pratiques, les origines, les ethnies, etc. Quant à l'Indonésie, le pourcentage de femmes excisées est difficile à établir, mais il semble que certaines ethnies fassent pratiquer l'excision sur plus de 95% des filles, à l'âge de 14 ans.
En Australie, les aborigènes Pitta-Patta pratiquent l'introcision, soit avec les doigts, soit avec une lame.
En Amérique du Sud, c'est notamment au Pérou chez les Indiens conibos, qu'on pratique l'introcision, au couteau et à la lame ; on la pratique également dans certains groupes au Brésil, mais de manière fort disparate, on a donc peu de moyen pour évaluer combien d'individus sont concernés.
En Amérique du Nord, on trouve des traces d'introcision au Mexique.
Les raisons qui justifient les MGF sont multiples, j'en citerai rapidement quelques-unes dans ce texte. Les MGF sont pratiquées par les ou des membres d'une communauté ou d'une ethnie, ce ne sont jamais des démarches isolées. Les MGF font parties de traditions et de rites très anciens ; cela implique qu'elles sont partagées par tout un groupe, que les membres y participent et qu'elles ont un rôle socioculturel, dont le rôle principal est celui de rassembleur. Les MGF sont éléments constitutifs des structures sociales des pays qui les pratiquent. D'autre part, les populations, les familles ou les personnes qui immigrent emmènent leurs coutumes et leurs fonctionnements dans leurs bagages, parce que cela fait partie d'elles-mêmes, parce que cela préserve leur appartenance à leur pays d'origine et les aide à conserver leur culture personnelle au milieu de celle du pays d'accueil. Ainsi les MGF perdurent dans les pays d'origine et se répandent dans les pays d'accueil parce que c'est la coutume, parce que c'est un marqueur d'appartenance, pour préserver les femmes contre les ennemis, parce que la religion le demande, pour rendre la jeune fille pure, pour l'esthétique, pour l'hygiène, pour préserver la virginité, pour inscrire la féminité, comme rite d'initiation, pour assurer la femme contre l'autre et les démons, pour limiter le désir et le plaisir féminin, par résistance, pour avoir un couple solide, pour éviter l'adultère, pour l'honneur des filles et des femmes, pour l'honneur des hommes, pour l'intégration des femmes, pour avoir de bons bébés, pour assurer la sauvegarde de la tradition.
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Les Mutilations Génitales Féminines sont des actes tellement chargés de sens par ceux qui les pratiquent et tellement chargés d'horreur par ceux qui ne les pratiquent pas qu'elles ne pourront disparaître que lorsque tous les regarderont comme des pratiques obsolètes et inutiles dans le monde actuel. Elles persisteront aussi longtemps qu'elles resteront porteuses de sens et de valeur.
Les mutilations féminines tiennent aujourd'hui une place indiscutable dans les media et les colloques divers, parmi les violences faites aux femmes, la domination masculine et les pratiques archaïques. Force est de constater que les politiques et les autorités se penchent enfin réellement sur cette problématique de diverses manières. Avec plus ou moins d'engagement, d'intérêt, de volonté. Avec leurs appréhensions et leurs solutions personnelles du problème. Mais surtout en constatant l'ampleur de ces pratiques et les difficultés de les contrer, parce qu'il s'agit de la rencontre et de la confrontation de deux représentations différentes d'actes particuliers. D'un côté, on voit la barbarie de la pratique, de l'autre on y place le sens et la force du lien social.
Chris Paulis
Février 2011
