Il y a une quatrième catégorie de MGF; elles sont peu répandues, restent très localisées et ne partagent pas les mêmes causes et motifs que celles de l'excision.
L'introcision est beaucoup moins connue et très peu pratiquée : on élargit l'orifice vaginal en le coupant ou le déchirant vers le bas (au niveau du périnée).
L'incision du clitoris : on pratique une incision non plus sur le capuchon protecteur mais dans la chair du clitoris même.
La perforation et le perçage du clitoris : le clitoris est perforé à l'aide d'un instrument contondant ; un bijou ou tout autre objet le traverse ou y est inséré.
La perforation et le perçage des lèvres : les petites et/ou grandes lèvres sont perforées à l'aide d'un instrument contondant ; un bijou ou tout autre objet le traverse ou y est inséré.
L'étirement du clitoris et/ou des lèvres : le clitoris et les lèvres sont étirés de diverses manières notamment par des pinces, des poids, des bijoux portés continuellement, régulièrement ou par périodes souvent déterminées.
La cautérisation du clitoris : on brûle le clitoris avec un instrument chauffé à blanc pour le faire disparaître, l'atrophier ou l'empêcher de se développer.
Les angurya cuts : c'est le curetage de l'orifice vaginal
Les scarifications gishiri : scarifications du vagin, on pratique des tatouages, des coupures diverses, des scarifications principalement à l'entrée du vagin, vers le bas.
Le resserrement de l'orifice vaginal : on introduit diverses herbes, mélanges, potions ou substances acides, corrosives ou astringentes dans le vagin pour en resserrer l'orifice, la largeur ou supprimer sa souplesse et son élasticité.

Tout ce qui doit être coupé l'est avec des instruments et des outils plus ou moins tranchants, selon le type d'outil (qui vont de l'outil ethnique spécifique, à forme et taille variables, aux objets détournés de leur fonction première, ou amenés par d'autres cultures), selon le nombre d'utilisations de la lame, la région où cela se pratique, l'ethnie qui pratique, les ressources locales, la manière avec laquelle c'est fait, l'époque. Cela va de la pierre brute à la lame de rasoir, du couteau grossier au morceau de boîte de conserve, du canif au morceau de verre cassé.
Auxquels on peut ajouter aujourd'hui le scalpel stérilisé de la salle d'opération29.
Les MGF sont faites en public, devant les femmes adultes, au milieu d'un cercle, les membres du corps maintenus par d'autres femmes, dans un endroit sordide, isolé ou désert, dans un face à face direct et préservé entre l'exciseuse – ce sont souvent des femmes – et l'enfant. Toutes les situations existent. De même, selon les lieux et le nombre de naissances, cela se fait en même temps sur une ou deux personnes, sur les paires d'un même village, sur les filles d'une même famille. Les âges varient également30, d'une culture à l'autre, d'une ethnie à l'autre, selon les possibles ou les aléas de la vie.
Peut-on parler de torture ?
Les termes de « bourreau » et « victime » rencontrés dans certains media sont des prises de positions morales et émotionnelles. Pour les personnes concernées, il s'agit d'un acte social indispensable à la sexuation et à la maturation d'une future femme.
Il existe bien d'autres techniques pour mutiler le sexe des femmes. Indépendamment de la problématique socioculturelle des MGF, toutes les formes de mutilations ont été utilisées, ce depuis l'existence des hommes sans doute, sous la justification de motifs aussi inégalitaires que la subordination, la soumission, la punition, l'humiliation, la salissure et surtout la torture. En tout temps mais principalement lors des guerres, sous les dictatures et au nom d'expériences scientifiques diverses. Toutes les questions de certains empalements pratiqués au Moyen-Âge, des brûlures au plomb ou à l'or liquide, des « purifications » au fer rouge à l'Inquisition, des poires médicales à crochets ou griffes, des expériences nazies en 40-45, des matraques et pinces électriques diverses, du supplice de la bouteille dénoncé lors de la guerre d'Algérie, se rapportent à la mutilation sexuelle gratuite, odieuse, inhumaine, des femmes pour des causes négatives de pouvoir et domination extrêmes et injustifiées. Aujourd'hui encore, certaines minutes de procès proposent des récits et des rapports de mutilations sexuelles féminines impensables et insoutenables (par exemple violences avec lèvres coupées aux ciseaux, viol avec couteaux ou armes blanches, introduction dans le vagin d'acide, de javel, d'alcool). La finalité de ces tortures est délibérément et uniquement de faire souffrir la femme qui les subit.
Quoi qu'on en pense, et même si le lien semble évident pour certaines personnes, il ne faut ni mélanger, ni confondre, ni associer les pratiques culturelles coutumières et initiatrices que pratiquent certaines sociétés avec les crimes, les idéologies et les pathologies politiques et individuelles que je viens d'énoncer. C'est là une des difficultés du travail d'information et de formation que nous pratiquons concernant les MGF. Le pas de séparation est très vite franchi.
Le silence freine l'abandon des MGF

Les media relayent de plus en plus souvent témoignages, informations, articles, parfois très maladroits. Comment dire ce qui paraît indicible. Les media africains sont les premiers actifs. Les femmes qui témoignent, discrètement ou en public, se multiplient31. Et, parallèlement, les informations erronées également. Comme celles qui règlent la question des MGF en mettant tout simplement les mutilations féminines sur le compte de la domination masculine. Comme celles qui confondent et comparent les MGF à la circoncision masculine. Comme celles qui mettent les MGF sur le compte de l'islam32. Comme celles qui font croire que ces pratiques sont propres aux Africains33.
Il est utile de parler des MGF aujourd'hui non seulement parce que les pratiques rassemblées sous ce terme existent encore et parce qu'elles sont pratiquées dans le monde entier, mais aussi parce qu'elles sont responsables de la mort de millions de petites filles, d'adolescentes, de femmes, depuis des siècles, ainsi que de la souffrance de millions de femmes de tout âge durant toute leur vie, et principalement au moment où leur corps de femmes accomplit ses transformations ordinaires ou met/essaie de mettre un enfant au monde. Le rôle dans lequel on confine ces femmes, rôle par lequel elles sont reconnues et pour lequel elles sont mutilées devient simultanément la cause de leur souffrance et de leur mort. Les mutilations féminines sont la gendérisation la plus intégriste et la plus extrême.
Le sexe des femmes ne leur appartient pas ; il appartient à leur mère, à leur père, à leurs sœurs, à leurs grands-mères, à leur famille, à leur belle-mère, à leur mari, à leur communauté, mais jamais à elle. Elles ne peuvent choisir, elles ne peuvent refuser. Elles ne peuvent que transmettre.
Il y a chaque année trois millions de filles susceptibles de subir une MGF, malgré la mise en place des lois, parce qu'une loi est faible devant la tradition, parce qu'elle se pose en rivale vis-à-vis des coutumes ancestrales, parce qu'elle menace ces coutumes, elle est vue comme élément destructeur du lien social mais aussi comme envahisseur culturel (actuellement, les pressions les plus fortes semblent venir des étrangers nord-occidentaux). D'autre part, ces pratiques sont protégées par des communautés entières, d'autant plus lorsqu'elles sont devenues illégales, pratiquées alors dans l'intimité familiale et la clandestinité. Le silence, le déni et la protection de tout un groupe freinent considérablement leur abandon. Ensuite la loi d'un pays ne peut punir que l'acte fait sur son territoire – il est simple alors de faire faire une excision à l'étranger ou dans son pays d'origine lorsqu'on est migrant. Enfin, les lois ne peuvent prévenir : on peut porter plainte contre ce qui a été fait, pas contre ce qui pourrait arriver.
29 Cela fait des années que, dans plusieurs pays, des médecins, des hôpitaux pratiquent des MGF. Relais ? Contournement des lois (les termes d'intervention médicale nécessaire recouvrent aisément beaucoup de choses) ? Défense et respect des traditions ? Résistance dissimulée ? Volonté d'alléger la souffrance et supprimer les risques ? Choix d'un moindre mal pour protéger la santé des femmes et des bébés ? Cela se pratique de plus en plus ; par exemple au Mali. En Europe aussi, semble-t-il. Cela se pratiquait dans la légalité en Égypte jusqu'au jour où le décès d'une jeune fille dont l'excision avait été faite par une équipe médicale fit interdire ces pratiques. Cela se répand tellement que des pays réagissent contre cette utilisation (récupération) de la médecine, telle la Côte d'Ivoire, l'un des rares pays à avoir noté spécifiquement dans sa loi, en 1998 déjà, des dispositions contre les médecins qui font des MGF (interdiction de toute pratique médicale pendant 5ans). 30 De quelques semaines à 25 ans, mais certaines sont excisées plus tard encore ; et les femmes infibulées sont recousues après un accouchement 31 Voir les nombreuses autobiographies comme Ayaan Hirsi Ali, Insoumise, Paris, Robert Laffont, 2005 ; Mesopirr Sicard Grace, Une jeune fille maasaï, Paris, L'Harmattan, 2003 ; Bah Diaryatou, On m'a volé mon enfance, Paris, Éditions Anne Carrière, 2009 32 On trouve des MGF chez les pratiquants de toutes les religions 33 À tous les Africains et uniquement aux Africains !