
À l'occasion de la récente réédition de L'Inimico delle Donne et de son exécution au Palais Opéra de Liège, l'Opéra Royal de Wallonie et l'Université de Liège organisent conjointement les 4 et 5 février prochains un colloque international consacré au compositeur vénitien Baldassare Galuppi (1706-1785). Ce colloque s'articule autour de trois thèmes principaux: « Galuppi le "Buranello" », « Galuppi et l'opéra » et « Galuppi et la musique instrumentale et religieuse ». Les manifestations se clôtureront par un concert de musique instrumentale donné par l'Orchestre de l'Opéra royal de Wallonie placé sous la direction exceptionnelle de Rinaldo Alessandrini le dimanche 6 février au Palais Opéra de Liège. Une occasion de découvrir une part de l'œuvre d'un compositeur relativement peu joué.
< Statue de Galuppi à Burano © Benutzer : Andreas56
De son vivant, Baldassare Galuppi fut un compositeur extraordinairement populaire d'opéras sérieux et comiques mais aussi d'œuvres sacrées et de musique pour clavier.
C'est tout d'abord en tant que claveciniste que Galuppi, alias « Il Buranello », se taille une solide réputation à Venise. Le catalogue de ses œuvres recense environ 130 sonates pour clavier, dont nombreuses, non datées, sont conservées sous forme manuscrite. La part prise par Galuppi au développement du genre dans les années 1730-1740 ne peut donc être définie avec précision. À l'instar d'autres compositeurs d'opéras, il s'adonne néanmoins à la composition de sonates sa vie durant. Sa propre virtuosité au clavier ne lui interdit pas de créer une série d'œuvres aux exigences techniques modérées, dans un style doucereux, satisfaisant la demande importante pour ce type de pièce très en vogue dans l'Europe de l'époque.
En 1740, le musicien obtient un premier poste permanent qu'il conserve jusqu'en 1751 à l'Ospedale dei Mendicanti, institution de bienfaisance réservée aux jeunes filles orphelines et souffrantes ; il doit enseigner, composer et diriger la musique liturgique de même que les oratorios. Rapidement, il obtient l'autorisation de s'absenter pour se rendre Londres où il parvient à l'automne de l'année suivante. Galuppi y dirige plusieurs opéras et pas moins de quatre œuvres originales. Il y remporte un ferme et durable succès, ainsi que l'attestent les fréquentes réimpressions de sa musique pour le public anglais, de même que les œuvres montées après son retour en 1743 à Venise, où il reprend ses fonctions aux Menticanti.
Jusque dans ces années, ce sont surtout les compositeurs napolitains qui sont privilégiés dans les théâtres vénitiens, à l'exception de Vivaldi qui jouit d'une faveur particulière. La fin des années 1740 est décisive pour Galuppi. Le public s'enthousiasme, à Venise comme ailleurs ; les revenus du compositeur grimpent. Galuppi remporte d'immenses succès à Milan, à Rome mais aussi à Vienne où son opéra Demetrio, composé sur un livret de Metastasio, le maître de l'opera seria, est représenté pas moins de dix-neuf fois : un véritable triomphe. En mai 1748, il est engagé comme vice-maestro à la basilique San Marco. Quatorze ans plus tard, Galuppi accèdera au poste de direction musicale le plus enviable à Venise, celui de maestro di coro de la basilique, tout en étant élu quelques mois plus tard à la même fonction à l'Ospedale degli Incurabili. Sa longue collaboration avec les ospedali vénitiens, San Marco et d'autres institutions religieuses génère de multiples compositions sacrées, d'un bout à l'autre de sa carrière. Les pièces liturgiques - messes, motets, antiennes, psaumes - et les oratorios (ou azione sacre) se comptent au nombre de deux cents, oscillant entre une style relativement conservateur, tel qu'il était alors prisé alors à San Marco par exemple et une écriture plus opératique.
De la fin des années 1740 au début des années 1760, Baldassare Galuppi se consacre surtout à la composition d'opéras. L'opéra comique s'est alors frayé un chemin de Naples à Rome et a trouvé la voie de Venise. C'est alors que s'initie son travail - décisif - avec le librettiste Carlo Goldoni, dont la poésie spirituelle s'allie idéalement à l'élégance mélodique du musicien. À partir de 1749, une série de drammi giocosi naissent de leur collaboration et déferlent sur l'Europe. Galuppi devient bientôt le compositeur d'opéras le plus populaire, acclamé par Jean-Jacques Rousseau, Casanova ou encore Adolf Hasse. À titre d'exemple, Il filosofo di campagna est repris quarante-trois fois en Italie et à l'étranger ; il est monté jusqu'en 1780 à Stockohlm. Cette œuvre compte parmi les opéras comiques les plus célèbres de l'époque, sans beaucoup d'équivalents. Comme nombre d'autres œuvres du Buranello, elle tombe néanmoins dans l'oubli après sa mort.
Figure centrale du développement du dramma giocoso, Galuppi s'impose aussi comme l'un des compositeurs les plus importants du milieu du 18e siècle pour la veine sérieuse du genre. Les exécutions de ses opere serie dépassent d'ailleurs en nombre celles des opéras comique.
En 1764, la cour de Russie, où déjà sept des opéras de Galuppi ont été montés, invite le compositeur. Celui-ci arrive à Saint-Pétersbourg en septembre 1765, ayant pris soin de rendre visite durant son voyage à Carl Philipp Emmanuel Bach et à Casanova. Pendant les quelques années à la cour de Catherine II de Russie, il se livre à la création de nouvelles œuvres, arrange d'autres opéras et fournit même une quinzaine de pièces destinées à la liturgie orthodoxe. À Moscou, des œuvres comiques sont également représentées. Le compositeur s'en retourne à Venise à la fin de l'années 1768, couvert d'honneurs. Il y reprend son poste à San Marco et celui aux Incurabili.
Par la suite, Galuppi se livre essentiellement à la composition de musique sacrée, bien que ses opéras continuent d'être exécutés. La serva per amore constitue son dernier opéra, créé en octobre 1773. Au faîte de sa carrière, il dirige la musique exécutée en l'honneur de la présence du pape à Venise en mai 1782 et reçoit la visite du futur tsar Paul de Russie.
Galuppi meurt le 3 janvier 1785. Son corps est inhumé en l'église San Vitale. Un mois plus tard, un sompteux Requiem dirigé par son remplaçant à San Marco, Ferdinando Bertoni, est exécuté à San Stefano, en dernier hommage. Le compositeur et célèbre voyageur Charles Burney dira qu'au terme de sa vie, le compositeur n'avait perdu aucun des feux de sa jeunesse. Il compose jusqu'à quelques semaines avant sa mort, livrant une dernière messe de Noël à la basilique San Marco.
Janvier 2011

À voir et entendre
Colloque international ouvert à tous les4 et 5 février 2011
L'innimico delle donne à l'ORW du 28 janvier au 5 février 2011.
Concert le dimanche 6 février 2011à 15h.
En direct sur le web le 3 février