
Depuis le 17 novembre, la Maison de la Métallurgie et de l'Industrie à Liège, attachée au pôle muséal l'Embarcadère du Savoir de l'ULg, propose au public une exposition intitulée « De fonte et d'acier : histoires vécues ». Une merveilleuse occasion de se plonger dans le monde de la sidérurgie des bassins liégeois et lorrain.
C'est par le biais de citations, témoignages, films, photographies, peintures et objets symboliques que l'exposition propose un voyage au cœur des bassins sidérurgiques liégeois et lorrain. Cette méthode québécoise d' « histoires vécues » donne aux témoins l'occasion d'être à la fois producteurs et sources de l'histoire. « Faire comprendre la vie dans la sidérurgie sans nécessairement passer par les barrières institutionnelles permet, selon Pascal Lefèvre (directeur du musée), aux visiteurs d'aborder le sujet de manière plus humaine ». L'exposition se présente comme un "salon familial" divisé en six espaces selon des thématiques différentes : « Espace d'introduction », « Il fallait des bras », « Ni rose, ni noir », « Vivre au rythme des usines », « Comment y croire ? » et « Vous êtes la mémoire de l'industrie liégeoise ».

Les œuvres de trois artistes fortement marqués par les usines sidérurgiques dialoguent avec ces témoignages. Les photos du liégeois Armando Frassi, ont d'ailleurs donné lieu à un ouvrage qui reprend aussi les morceaux de vie que les ouvriers lui ont confiés. Autre photographe, Sylvain Dessi, fils d'ouvrier lorrain, a immortalisé les usines sur la pellicule avant qu'on les rase entre 1978 à 1990, au moment de la crise métallurgique en France. Le troisième artiste est peintre. Jean Kempf, enfant de la sidérurgie du bassin lorrain, se souvient « des coulées qui l'effrayaient tant ». Depuis qu'il est retraité, il retravaille des photographies qui lui rappellent son enfance, à l'aide de peintures aux couleurs très vives.
La vie sidérurgique
Témoignages et œuvres plongent donc dans le quotidien des travailleurs du feu. C'est d'abord une vie « ni rose, ni noire » à l'époque de prospérité industrielle et sidérurgique, dès le milieu du 19e siècle. Tous, de l'ouvrier au directeur, parlent de « chaleur », de « soif », de « joies » et de « peines ». C'est un moment où l'offre d'emploi est abondante et attire de nombreux hommes qui décident de consacrer leur vie à l'usine. Certains le font par facilité, d'autres par nécessité financière. C'est aussi l'époque où les travailleurs italiens arrivent en Belgique et en France. Leur quotidien est alors marqué aussi par la problématique de l'adaptation et de l'intégration.
Tous ces travailleurs du feu manifestent beaucoup de fierté. « J'ai maîtrisé le feu pendant des années, un combat1 » explique Robert Frey, sidérurgiste lorrain. Ce feu, perpétuellement présent dans leur vie – « L'usine [est] présente de la naissance à la mort du sidérurgiste » – , représente à la fois un danger de mort et une source de liens entre les hommes. Fatigue physique, horaires difficiles, danger à tout instant, mais aussi fêtes, camaraderie, solidarité des associations et luttes syndicales restent des souvenirs marquants. Cette attache des sidérurgistes à leur métier est impressionnante. L'usine est partout, le haut-fourneau rythme la vie de la ville.
Puis arrive le choc, les usines ferment dans la deuxième moitié du 20e siècle : « Comment y croire ? » Les travailleurs sont désemparés. Leur vie entière est à recommencer...
Garder des traces du passé
Prolongeant l'exposition, dans ce même souci de pérennisation de la mémoire, la Maison de la Métallurgie et de l'Industrie de Liège, en collaboration avec l'asbl « Mémoires inédites », lance un appel à témoins. Il faut en effet récolter un maximum de témoignages sur ce monde déjà en partie disparu. L'asbl, créée en 2005, a pour objectif de recueillir, restaurer, numériser et mettre en valeur les photographies et films d'amateurs qui lui sont confiés, représentant la mémoire de la Communauté Wallonie-Bruxelles. Ces documents seront archivés et étudiés pour leur aspect représentatif de la vie de nos sociétés et ce dans une perspective intergénérationnelle pour finalement rendre au public une vision de son passé. L'asbl « Mémoires inédites », présidée par André Huet, ouvrira prochainement son relais liégeois géré par Françoise Lempereur (membre du conseil d'administration, titulaire du cours consacré au patrimoine immatériel à l'ULg) et Marc-Emmanuel Mélon (professeur de cinéma à l'ULg).
Marie Flaba
Novembre 2010

Marie Flaba est étudiante en 1re année de master en Information et communication
Du mercredi 17 novembre 2010 au vendredi 15 avril 2011
de 9h00 à 17h00 du lundi au vendredi. De 14h00 à 18h00 (les w-e du 1 avril au 31 octobre)
Maison de la Métallurgie et de l'Industrie de Liège
Boulevard Raymond Poincaré 17à 4020 Liège
Depuis 2010, la MMIL en partenariat avec Blegny-Mine propose des croisières consacrées à l'évolution de la sidérurgie le long des rives mosanes à bord du bateau « Le Pays de Liège ».
1 Robert Fey, sidérurgiste, Lorraine in « De fonte et d'acier », Frassi Armando,2010, Gérard Klopp