Conserver
Lourde tâche, car les animaux vivants mourront tous un jour, et leur dépouille, même préservée, est aussi appelée à être recyclée dans la biosphère. Il faudra donc des trésors d'ingéniosité pour reconstituer, étape après étape, l'écosystème aquatique optimal (décors, lumière, climat, qualité de l'eau, nourriture...) et permettre le maintien de sa qualité (épuration, filtration, stérilisation...) afin que les animaux puissent vivre dans des conditions qui garantissent leur survie, leur croissance, voire leur reproduction.
Ce n'est que si l'environnement est parfaitement reconstitué que les animaux trouveront des conditions aptes à une survie optimale, et développeront leurs comportements habituels, notamment la reproduction. Arrivées dans nos installations en 2008, un de nos couples de raies d'eau douce s'y est acclimaté, y a grandi jusqu'à atteindre la taille adulte, et s'y est reproduit, phénomène rare en captivité. Depuis le mois d'août, deux jeunes évoluent à proximité de leur mère, mais prennent progressivement leur autonomie. De plus, les comportements observés au sein du couple laissent présager une nouvelle portée. ![]() Potamotrygon motoro (Müller & Henle, 1841), notre espèce de raie d'eau douce, est originaire des bassins de l'Amazone et de l'Orénoque, en Amérique du Sud. Elle se nourrit de diverses petites proies, notamment des mollusques, et peut atteindre une taille d'un mètre. Son aiguillon venimeux, semblable à celui de sa cousine des fonds marins, la pastenague, provoque des blessures extrêmement graves qui occasionnent des douleurs épouvantables. Une autre particularité de ces poissons réside dans leur mode de reproduction. Ils sont en effet ovovivipares : le mâle féconde la femelle, mais elle ne pond pas ses œufs. Les petits éclosent dans l'utérus maternel, qui produit un « lait utérin » pour les nourrir. Au bout de 100 jours, les jeunes naissent, font déjà 15 cm de long et sont à même de se débrouiller pour trouver leur alimentation. |
Quant aux spécimens inertes du Muséum, il s'agit de les préserver en leur assurant notamment un environnement de qualité : éclairage, température, hygrométrie, poussières... Il convient également de les entretenir (brossage, nettoyage...) et, par l'emploi des techniques adéquates, d'éliminer régulièrement les organismes vivants responsables de leur dégradation. D'autres procédés (liquide de conservation, dessiccation, naturalisation...) complètent la panoplie des outils nécessaires à leur protection ou à leur représentation (dessins, photos, modèles, moulages...). Une attention particulière sera apportée aux espèces menacées, ou aux restes d'animaux disparus, ou encore aux pièces d'intérêt scientifique majeur, comme les types.1
Étudier
La mise en collection de spécimens vise à fournir un matériel de référence qui pourra être étudié par la suite, soit par des chercheurs locaux, soit, le plus souvent lors de collaboration avec des chercheurs étrangers. Ils y trouvent les exemplaires nécessaires à parfaire leur connaissance de l'espèce étudiée ou du groupe animal auquel elle appartient : histoire, observation fine, prélèvement et analyse d'ADN... D'autre part, l'inventorisation et la publication de l'ensemble des données et des informations relatives à chaque spécimen2 contribuent à la connaissance, et à la reconnaissance des collections de l'Aquarium-Muséum. Dans ce but, un fichier de près de vingt mille entrées est constamment tenu à jour. Parmi les collections vivantes, chaque spécimen peut faire l'objet d'observations ou d'études comportementales, voire être utilisé comme matériel expérimental. De plus, les connaissances acquises, ainsi que notre expérience en matière de maintien des espèces sont directement transmissibles, et peuvent donc aider à la réussite de nombreux projets, notamment via les centres de recherches spécialisés.
Valoriser

Les collections rassemblées, préservées et exposées constituent une image de la biodiversité accessible à tous les publics. D'une part, les collections de l'Aquarium-Muséum représentent un atout majeur dans l'illustration des enseignements de biologie et près d'un étudiant sur trois, à l'Université de Liège, profitera, au cours de ses études, de ces exemples. D'autre part, qu'il s'agisse de groupes scolaires qui découvrent notre institution muséale sous la conduite de leurs enseignants ou en visite interactive grâce à l'un de nos guides3, de groupes libres ou de visiteurs en famille ou isolés, chacun peut découvrir ou redécouvrir les splendeurs de la vie animale, rafraîchir ou approfondir ses connaissances, plonger à pieds secs dans les écosystèmes reconstitués et s'imprégner de notre message primordial : la Nature est fascinante, mais fragile, et il appartient à chacun d'aider à préserver notre patrimoine.
Christian Michel et Sonia Wanson
Octobre 2010

Christian Michel est Conservateur-Directeur de l'Aquarium-Muséum. Ses principales recherches portent sur le comportement de communication chez les poissons. Il enseigne l'aquariologie, l'éco-éthologie et la muséologie des sciences naturelles.

Sonia Wanson est biologiste. Directrice-Adjointe de l'Aquarium-Muséum. Au sein de l'asbl APAMLg, elle coordonne notamment les activités de promotion scientifique.
L'Aquarium-Muséum est membre fondateur de l'Embarcadère du Savoir
1 Un spécimen est dénommé « type » lorsqu'il a servi à la première description scientifique officielle de l'espèce à laquelle il appartient. C'est lui le spécimen auxquelles toutes les études futures feront référence.