De l'esprit à l'outil : le geste technique à la Préhistoire
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L'évolution de l'humanité a été depuis toujours accompagnée de gestes techniques, qui ont permis la production d'outils, d'armes, d'objets artistiques. Au fil de l'évolution anatomique, les concepts se sont développés, la grammaire gestuelle s'est complexifiée, menant à des procédés techniques de plus en plus poussés. C'est de cette évolution, et de la manière d'en décoder les différents aspects, que traite le nouvel ouvrage du Professeur Marcel Otte et de son collaborateur Pierre Noiret.

Conçu dans un but véritablement didactique, ce livre aborde l'ensemble des « chaînes opératoires » (ou succession des gestes) préhistoriques ainsi que leurs caractères évolutifs et culturels.

Le premier chapitre traite des aspects méthodologiques : types et origine des roches utilisées pour la taille d'outils, altérations, techniques générales de production. Le vocabulaire utilisé pour l'analyse de l'outillage lithique est également détaillé. Les bases de l'analyse de l'outillage préhistorique sont donc posées.

Dans les chapitres suivants, chaque « palier » de la technologie préhistorique est détaillé. Le Paléolithique inférieur tout d'abord (~2,5 millions à 350 000 ans) , qui voit les premières industries lithiques se mettre en place en Afrique et en Asie du Sud-Est. La diffusion se fera ensuite vers l'Europe, avec les industries dites « clactoniennes » et « acheuléennes », dont l'expression la plus connue est le fameux biface, véritable couteau suisse de la Préhistoire.

La technologie lithique est profondément modifiée lors du Paléolithique moyen (350 000 à 35 000 ans). On passe en effet d'une technique de « sculpture » (un bloc est mis en forme progressivement afin de créer l'outil désiré, par exemple un biface) à une technique de « débitage ». Il s'agit dans ce cas de préparer un bloc de silex par une série d'enlèvements pour ensuite en extraire un éclat de la forme désirée. Cet éclat sera ensuite retravaillé (« retouché ») et deviendra un outil : racloir, pointe, couteau... Les hommes de Néandertal ont donc innové en créant un mode de production d'outils particulièrement efficace, qui témoigne d'une grande capacité d'abstraction et de conceptualisation.

La principale culture du Paléolithique moyen est le « Moustérien », qui tire son nom du site du Moustier, en France, où elle fut reconnue pour la première fois. Mais cette tradition est en réalité un ensemble très complexe de différents « faciès », correspondant à des groupes ethniques mais aussi, comme l'expliquent très bien les auteurs, à des activités diverses, des réseaux d'approvisionnement ou encore des contraintes géographiques.

outils os

L'époque suivante, le Paléolithique supérieur (35 000 à 12 000 ans) voit l'apparition du travail sur matière osseuse : pointes de sagaies, harpons, propulseurs, objets de parure... L'arrivée d'Homo sapiens semble amener de nouvelles mentalités, un autre rapport à la nature et à l'animal que celui des Néandertaliens.

Sagaie, harpon, calendrier
Paléolithique supérieur

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La technologie lithique, quant à elle, s'oriente vers la production systématique de lames et lamelles. Bien que celles-ci étaient déjà présentes au Paléolithique moyen, elles ne constituaient qu'une petite partie des supports d'outils, majoritairement réalisés sur éclats. La production laminaire offre l'avantage d'obtenir un très grand nombre de produits à partir d'un seul bloc de matière première. Les lames sont également des supports légers (donc facilement transportables) et très réguliers, permettant la création d'outils variés, de la pointe de projectile au grattoir emmanché pour travailler les peaux.

Le Paléolithique supérieur est également caractérisé par l'extrême variabilité des ensembles culturels qui se succèdent ou coexistent dans des régions différentes. « Aurignacien », « Châtelperonnien », « Magdalénien » ou encore « Lincombien-Ranissien-Jerzmanowicien » : tels sont les noms aux sonorités parfois étranges de quelques-unes de ces traditions.

Ci-contre : Les pointes barbelées apparaissent et se multiplient au Paléolithique supérieur. Elles étaient fichées au sommet de longues hampes de bois et restaient préhensibles durant le harponnage enbasses eaux fluviales. Le harpon apparaît aussi à cette période.

 

 

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